La boutargue, star des menus de Noël

Adulée ou détestée, la boutargue, ou poutargue dans le sud de la France, ne laisse personne indifférent, précieusement cachée sous sa gangue de cire. Les chefs ont adopté ce caviar de la Méditerranée pour leurs créations salées comme sucrées. On s’en inspire pour les fêtes.

Anne Debbasch

Si, durant l’antiquité, la boutargue servait d’encas aux pêcheurs, elle est aujourd’hui devenue un mets de luxe. Toujours préparée de façon artisanale à partir de poches d’œufs de mulet prélevées avec la plus grande minutie sur leur lieu de pêche – Sénégal, Mauritanie, mer Ionienne – les rogues sont ensuite surgelées et envoyées en France pour être salées, séchées et pressées.

La maturation des œufs permet alors d’obtenir des boutargues dont les couleurs, du jaune au brun, la texture et les saveurs varient selon la durée de séchage. En Grèce, elle est souvent peu maturée et reste très moelleuse ; contrairement au Moyen-Orient où la boutargue est longuement séchée pour des arômes plus intenses. Traditionnellement, elle est ensuite enrobée de cire d’abeille et/ou de paraffine pour stopper la maturation ; ce qui permet une conservation optimale.

Côté audace, Armen et Mikael Petrossian imaginent une boutargue de caviar inédite et festive : le Rybaloff®. Préparée à partir d’un assemblage de grains de caviar liés par la vésiga (moelle épinière) de l’esturgeon auxquels ils donnent une forme de lingot, la préparation est ensuite mise à sécher de longs mois selon le même procédé que pour la boutargue de mulet. Le résultat : une saveur à la fois douce et très iodée ; sans l’amertume de la boutargue classique pour une expérience étincelante.

À Noël, on s’approprie ces œufs de poisson séchés pour les accommoder de mille façons, de l’entrée au dessert. Pour les non-initiés, leur goût iodé, singulier et intense, nécessite cependant un apprentissage. Pour commencer en douceur et apporter du raffinement et une pointe de luxe à l’apéro, la boutargue est le condiment idéal. Râpée sur un yaourt grec parfumé à l’ail ou dans une mayonnaise maison, elle accompagne à merveille des bâtonnets de légumes crus.

Festive, de l’entrée au dessert

Les puristes, quant à eux, la préfèrent brute, coupée en lamelles et servie sur du pain croustillant avec un trait d’huile d’olive vierge et quelques gouttes de citron ; pour profiter pleinement de ses saveurs, de sa légère amertume et de son fondant.

La boutargue se retrouve également sur la table des plus grands Chefs. Côté étoilé, Bruno Verjus, du restaurant gastronomique Table, apprécie tout particulièrement la boutargue grecque pour sa douceur et sa souplesse. Dans son entrée Couleur du jour, il associe légumes, fleurs et fruits selon les arrivages du matin.

Son inspiration, il la puise dans les saisons ; imaginant par exemple une assiette vive et colorée pour contraster avec la grisaille d’un jour d’hiver. « Le sel de ces assiettes est apporté par la boutargue grecque. Sa texture et sa couleur me font penser à une pâte d’abricot. C’est une boutargue très subtile, iodée à la juste mesure. Elle vient en contrepoint, par sa couleur orangée et sa douceur, nourrir la fantaisie de cette entrée qui s’interprète tout au long de l’année. »

Jusque dans l’assaisonnement

Pour l’assaisonnement, il choisit une huile parfumée au persil ou au laurier et une vinaigrette réalisée avec les pelures et les fanes des légumes puis concentrée comme un jus de viande. En plat, David Bizet, chef exécutif au the Peninsula Paris, choisit, quant à lui, la boutargue et son côté gras naturel pour nourrir la chair d’un poisson comme le saint-pierre ; ou le turbot qu’il sert à L’Oiseau Blanc avec un aïoli assaisonné à la boutargue. Il aime également l’associer à une volaille comme la pintade dont elle complète la légère amertume. « J’apprécie cet ingrédient pour sa texture singulière, ses notes iodées plus ou moins intenses et ses jolis amers », confie-t-il.

Côté boutargue de caviar, le Rybaloff® s’utilise comme la boutargue de mulet râpé ou en fines lamelles. En entrée, il donne de la profondeur à de belles huîtres charnues. En plat, il s’utilise sur un filet de bar ou de cabillaud, déposé en fines tranches sur le poisson à sa sortie du four pour reconstituer ses écailles. Au contact de la chaleur, la boutargue de caviar fond légèrement, libérant une belle palette d’arômes. Pour les lendemains de fête, il réhausse avec brio un plat de pâtes au homard.

Un goût intense

À l’hôtel-restaurant La Bouitte en Savoie, Maxime Meilleur, chef triplement étoilé, aime mettre en valeur son identité savoyarde en agrémentant les produits de sa région avec un ingrédient inattendu. « Les œufs de poissons séchés sont très inspirants, mais il faut trouver la bonne association et le juste équilibre car leur goût intense reste assez clivant. » La boutargue de mulet ou de caviar apporte ainsi un délicieux contraste iodé à la chair douceâtre de pommes de terre de la variété Allians, juste confites au beurre puis glacées avec un jus de poisson.

De la même façon, râpée uniquement, elle fait sensation avec une polenta à la cuillère associée à un lard d’Arnad. « Pour les fêtes, j’imagine une association entre une belle poire de la région et la boutargue de caviar. L’idée est de garnir le cœur du fruit avec un sorbet très frais à la poire et quelques morceaux de sablés, puis de la recouvrir d’un sirop et de lamelles de Rybaloff®. C’est un dessert qui m’évoque un sapin de Noël. » Une chose est sûre : il sera difficile cette année d’imaginer les fêtes sans boutargue !

Les adresses

shop.profilgrec.com
petrossian.fr
kaviari.fr

Lire aussi : Champagne : d’irrésistibles associations pour les fêtes

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