Du 9e au 7e art

Quand Hollywood s’approprie aujourd’hui le phénomène manga avec l’adaptation de Ghost in the Shell.

Marjorie Allias

À L’ORIGINE, IL Y AVAIT LE MANGA

Prenons d’abord le temps de parler des origines. Les mangas sont des « bandes dessinées japonaises créées pour des Japonais […], généralement publiées sous forme de séries, souvent en noir et blanc ». Ainsi les définit Julius Widemann, directeur artistique pour des magazines spécialisés dans le numérique et le design à Tokyo et auteur de nombreux titres chez Taschen, dont 100 Manga Artists (voir notre rubrique « Mille feuilles »), tout juste sorti en librairie.

Vous en avez forcément déjà ouvert un, en remarquant que l’objet se lit à l’envers, de droite à gauche. Il en existe de toutes sortes, pour les enfants, les adolescents (filles ou garçons) et pour les adultes, que l’on appelle dans l’ordre Kodomo, Shonen, Shojo, Seinen ou Hentai (cf. notre lexique en fin d’article). Le mot « manga » en lui-même est la parfaite définition du genre, il est issu de l’association de deux kanji : man pour divertissement, ga pour image. Il existe depuis le XIXe siècle, où il se limitait à des gravures sur bois. Aujourd’hui, le genre s’est largement développé et est devenu un divertissement protéiforme.

DU MANGA ET DE L’ANIMÉ

Dans le petit dictionnaire du geek, il ne faut surtout pas confondre « manga » et « animé », c’est pécher ! Alors que le manga se lit, l’animé se regarde. Il s’agit de séries ou de films d’animation. Vous vous souvenez du « Club Dorothée » ? Dragon Ball Z, Olive et Tom, Sailor Moon ? Voilà, vous l’avez. Le genre s’est démocratisé en France dans les années 1980 et a vu adapté un monument du manga japonais : Akira, mais on en reparlera plus tard.

Alors qu’en Europe et en France, le manga et les dessins animés d’origine japonaise se sont largement démocratisés, les longs-métrages animés peinent à trouver leur public. Hayao Miyazaki sort pourtant son épingle du jeu avec les très réussis Le Château dans le ciel en 1986, Princesse Mononoké en 1997 ou encore Le Voyage de Chihiro en 2001, Le Château ambulant en 2004, Le Vent se lève en 2014. Et l’on peut dire merci à Hayao Miyazaki car c’est aussi grâce à lui si un large public s’intéresse à la culture japonaise ou, en tout cas, à ses longs-métrages animés.
Le réalisateur avait annoncé sa retraite pour se consacrer uniquement aux courts-métrages. On murmure qu’il s’apprête à faire son grand retour au cinéma pour un projet qui devrait voir le jour avant les jeux Olympiques de Tokyo en 2020.

manga-decryptage

1. Image tirée du film Ghost in the Shell, sortie le 29 mars 2017 au cinéma. 2. Affiche de l’animé Akira, crée et dirigé par Katsuhiro Ōtomo. 3. Extrait de l’animé inséré dans Kill Bill : Volume 1, réalisé par Quentin Tarantino.  4. Planche d’Astroboy, un shōnen créé par Osamu Tezuka. 5. The Ghost in the Shell, tome 1, éditions Glénat. 6. L’ animé shojo de Sailor Moon. 7. Affiche du film Assassin’s Creed, réalisé par Justin Kurzel, sortie en décembre 2016. 

LA LÉGENDE AKIRA

Dans le monde de l’animé et du manga, Akira est une référence. Akira, c’est d’abord un manga qui prend place à Neo-Tokyo en 2019, après qu’une troisième guerre mondiale a réduit la capitale japonaise à une poubelle high-tech. Dans un chaos total, des adolescents qui la parcourent sur des motos volées font la rencontre d’un petit garçon au visage de vieillard et se rendent très vite compte que celui-ci possède des pouvoirs de télékinésie. Sorti pour la première fois en 1982, Akira marque le début de l’âge d’or du manga. Les thèmes abordés – ultraviolence, religion, nouvelles technologies – parlent surtout à un public adulte.

Comment Akira a-t-il pu alors franchir les frontières et connaître le succès qu’on lui connaît en Occident ? D’abord parce que Jacques Glénat (des éditions Glénat) a su croire au succès du manga et l’a rapporté en France. Ensuite parce que Katsuhiro Ōtomo s’est largement inspiré de grands auteurs de BD européens, comme Moebius (L’Incal) pour sa série fleuve, en a repris certains codes qui rendent son œuvre plus lisible pour un lecteur occidental. Akira a été ensuite adapté au cinéma par Ōtomo lui-même et a connu un succès planétaire. Depuis, le manga se lit partout au Japon, aux États-Unis et en Europe.

À l’inverse, à Hollywood, à la fin des années 1990, les sœurs Wachowski se sont largement inspirées du manga Ghost in the Shell pour la trilogie Matrix. Tarantino s’est lui aussi saisi de la culture manga dans ses films, il s’est même offert le luxe d’insérer une séquence animée (très réussie) dans Kill Bill: volume I, l’un de ses chefs-d’œuvre. Pour cela, il a fait appel à un studio d’animation japonais dont il admirait le travail, Production IG, qui a notamment été impliqué dans la création du dessin animé Ghost in the Shell : oui, encore lui. Mais cela ne pouvait pas s’arrêter là…

À HOLLYWOOD

C’est bien connu, Hollywood a toujours su s’emparer des phénomènes de société pour leur imprimer son empreinte. Pour dresser une liste non exhaustive, on ne compte plus les adaptations de Comics (bandes dessinées américaines), des licences Marvel (Captain America, Iron Man, Spider Man, X-Men, Dead ou dernièrement Dr Strange) et DC Comics (Batman et ses innombrables trilogies, Superman, Catwoman, ainsi que tous les héros de la Justice League : The Flash, Wonderwoman ou encore Aquaman).

Hollywood ne cache pas non plus son amour des adaptations de jeux vidéo comme Silent Hill, Tomb Raider, Resident Evil, sans oublier les récents Assassin’s Creed, avec notre Frenchie Marion Cotillard, et World of Warcraft… Des adaptations parfois très libres et pas forcément du meilleur goût, mais le filon est en tout cas exploité, avec parfois de très bonnes surprises. N’oublions pas les adaptations au cinéma de séries littéraires « Young Adulte » : Harry Potter, Twilight ou Hunger Games.

Bref, c’est sans grande surprise qu’Hollywood s’approprie aujourd’hui le phénomène manga avec l’adaptation de Ghost in the Shell. Le casting est solide, très solide ; il fallait bien commencer en éblouissant le public : Scarlett Johansson (l’actrice la plus bankable de 2016, selon un classement Forbes), Takeshi Kitano, Michael Pitt (lire son interview dans ce même numéro) et – cocorico ! – Juliette Binoche. Pour ce film, le réalisateur Rupert Sanders (Blanche-Neige) est attendu au tournant par les fans des mangas et de l’animé, et par toute l’industrie du cinéma qui attend impatiemment les résultats au box-office pour pouvoir continuer sur sa lancée.

Les scenarii d’adaptation de mangas et d’animés envahissent les tiroirs d’Hollywood. Death Note, un shōnen écrit par Tsugumi ōba, est déjà annoncé pour 2017 avec Willem Dafoe dans le casting (Le Patient anglais, Platoon, Budapest Hotel…). Akira, dont l’adaptation est prévue depuis des années, sortira bien au cinéma : Leonardo DiCaprio et Christopher Nolan y seraient pour quelque chose et bien d’autres sont attendus.

LEXIQUE :

Kodomo : mangas et animés destinés aux enfants.
Shōnen : mangas et animés destinés aux adolescents.
Shojo : mangas et animés destinés aux adolescentes.
Seinen : mangas et animés destinés aux adultes.
Hentai  : mangas et animés à caractère pornographique.
Mangaka  : auteur de mangas.

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