Génération verte chez les chefs français

Le Guide Michelin a décidé de récompenser d’une étoile verte les restaurateurs qui agissent pour la planète en exerçant leur métier. Portrait de sept jeunes chefs qui ont reçu leur étoile. Parmi eux, le chef Alexandre Couillon a même décroché une troisième étoile en 2023.

Rémy Dessarts

Alexandre Couillon (46 ans) et sa pêche du matin

 
 
 
 
 
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C’est le seul chef à décrocher une troisième étoile au palmarès 2023 du guide Michelin. Tous les matins, Alexandre Couillon se rend très tôt à la criée de Noirmoutier pour sélectionner les meilleurs poissons de l’Atlantique. Ensuite, il passe par son potager de 4 000 m2, situé à quelques minutes de son restaurant. Muni de ses ingrédients du jour, il élabore son menu. « Nous vivons au rythme de la nature, qui seule nous dicte, jour après jour, ce qui figure à la carte. »

Il insiste sur la transparence qui est due aux clients. « Nous voulons développer une traçabilité. Cela veut dire, indiquer que le merlan du plat du jour a été pêché par le bateau rouge que l’on voit sur le port ou, s’il le souhaite, emmener le client dans le jardin après le service pour lui montrer d’où viennent les petits pois. » Parmi ses plats signatures, il met en avant un étonnant « merlan-rhubarbe-petits pois-fraises » !

La Marine, 3 rue Marie Lemonnier, 85330 Noirmoutier-en-l’Île. alexandrecouillon.com

Lire aussi : Food : la bonne pêche de Christopher Coutanceau

Les herbes du Bassin de Claire Vallée (34 ans)

 
 
 
 
 
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Elle a découvert la cuisine végétarienne lors d’un séjour en Thaïlande en 2013. Racines, herbes, épices… la culture bouddhiste permet à Claire Vallée de constituer ce qu’elle appelle sa « bibliothèque des saveurs ». Deux ans après son retour en France, elle décide de faire le saut vers la cuisine bio et 100 % végétale. Elle fait appel à du crowfunding et trouve le soutien d’une banque éthique et solidaire pour ouvrir ONA, son restaurant sur le bassin d’Arcachon, le 22 octobre 2016. Plus de 80 bénévoles l’aident à transformer en deux mois une ancienne pizzeria.

Pour fêter sa première étoile au Guide Michelin, obtenue en janvier 2021, elle vient de changer complètement la décoration de son établissement avec la contribution de la décoratrice Anne Mertens, installée au cap Ferret. Le tandem a privilégié les artisans locaux travaillant avec des matériaux naturels. Sa cuisine fait évidemment appel aux ingrédients de sa région et aux cinq jardins créés autour du restaurant, dans lesquels elle cultive 140 herbes différentes. « Cette cuisine végétale, c’est un travail de tous les jours, de confiance aussi avec les producteurs locaux », explique Claire Vallée avant de poursuivre : « Je voulais donner du sens à ma cuisine en montrant que l’on peut manger autrement. »

Ona, 3 bis rue Sophie et Paul Wallerstein, 33740 Arès. clairevallee.com

Lire aussi : La grande gastronomie prend le tournant du végétal

Inspiration japonaise chez Loïc Villemin (35 ans)

 
 
 
 
 
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Il a appris son métier en travaillant chez de grands noms comme Jean-Georges Klein, Bernard Loiseau ou Arnaud Lallement. Mais c’est au Japon que ce globe-trotter a puisé son inspiration. Selon lui, la région du parc national de Shikotsu-Toya, où se situe le célèbre lac volcanique Toya, est l’éden de la gastronomie. « Le Japon représente pour moi la précision, la qualité et l’extrême fraîcheur, qui sont des marqueurs de notre style », proclame-t-il.

Cela fait 12 ans qu’il a ouvert son établissement mosellan. Loïc Villemin définit sa cuisine comme « axée sur le produit travaillé directement avec le producteur ». Son engagement pour l’écologie remonte à l’enfance. « Nous pratiquons une démarche zéro déchet, zéro plastique et sans poissons de mer victimes de surpêche, affirme-t-il. Pour la viande, nous valorisons des pièces entières. Et nos légumes sont cultivés en collaboration avec un maraîcher dans un jardin dédié au restaurant. »

Toya, avenue Jean Monnet, 57380 Faulquemont. toya-restaurant.fr

Nicolas Conraux (47 ans), le chef recycleur

 
 
 
 
 
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Nicolas Conraux représente la troisième génération qui a pris les commandes de l’hôtel-restaurant La Table du domaine de La Butte. De sa cuisine, celui qui s’est engagé tardivement dans cette voie garde un œil sur la mer et la baie de Goulven. Avec son épouse Solène, il a créé un lieu chaleureux propice à la découverte des produits du terroir breton. Ses plats signatures révèlent son goût prononcé pour l’audace. Comme ce foie gras poêlé accompagné de coques et de fines tranches de langouille, une spécialité charcutière de sa région.

Récompensé d’une étoile au Guide Michelin depuis 2014, il multiplie les gestes écologiques. « Travailler avec la conscience de la nature, c’est être en vérité avec soi-même », lance-t-il. Il met ainsi en avant les actes forts du domaine de La Butte : un potager en permaculture, une serre bioclimatique et des ruches.

S’y ajoute une série de gestes simples au quotidien : « Nous avons un rapport avec les producteurs qui devient très vertueux. On donne nos restes de pains à un brasseur, qui les utilise pour faire sa bière, nous redistribuons notre compost à nos maraîchers, et nos coquilles d’ormeaux sont utilisées pour faire des verres. »

La Table, 12 rue de la Mer, 29260 Plouider. labutte.fr/restaurant-gastronomique/

Sauver les oies chez Thierry Schwartz (47 ans)

 
 
 
 
 
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Cet alsacien de pure souche se proclame défenseur d’une gastronomie durable et engagée. Ancien collaborateur de Joël Robuchon, il propose des menus où le produit se suffit à lui-même. Il s’est engagé dans le soutien des producteurs locaux dès l’ouverture de son restaurant d’Obernai. « Depuis 20 ans, on a tissé une toile avec nos producteurs. On a créé un écosystème économique humain pour rendre viable ce qu’ils font, pour les faire connaître », explique-t-il.

Il milite pour relancer des pratiques anciennes de sa région, celle du foie gras d’oie par exemple. « Il ne reste que trois producteurs qui élèvent eux-mêmes leurs oies. Nous les aidons pour que l’on puisse avoir encore des oies élevées localement, et pas seulement en Europe de l’Est. » Sa carte s’ajuste deux fois par semaine pour tenir compte des produits disponibles. « Nous contactons nos maraîchers et éleveurs tous les jours et nous prenons leurs produits à maturité. »

Le Restaurant, 35 rue de Sélestat, 67210 Obernai. thierry-schwartz.fr

Le terroir parisien de Thibaut Spiwack (36 ans)

 
 
 
 
 
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Passé par le Four Seasons George V et le Jules Verne d’Alain Ducasse, Thibaut Spiwack, vu dans l’émission Top Chef sur M6, est un adepte de la cuisine responsable. Côté fonctionnement, cela passe par la réduction des déchets et de la consommation d’eau, l’alimentation en énergie renouvelable et l’attention apportée au bien-être des équipes. Cela se voit dans tous les détails de sa salle. « Notre mobilier est le fruit d’artisans franciliens, et notre vaisselle est faite en matériaux naturels », assure-t-il.

Côté assiette, il accorde une large place au sourcing de produits locaux et saisonniers. « J’ai voulu lancer une collaboration avec le terroir francilien. Par exemple, j’essaye de remettre en avant l’asperge d’Argenteuil ou le petit pois de Clamart et de construire mes assiettes autour de ça. Ce n’est pas moi qui mets tel ou tel légume à la carte, ce sont les producteurs. » Mais il n’a pas pour autant basculé vers la cuisine végétarienne. On trouve du poisson et de la viande à sa carte. « Mon but, c’est que tout le monde ressorte du restaurant avec cette notion d’écologie. »

Anona, 80 boulevard des Batignolles, 75017 Paris. anona.fr

La cuisine lunaire de Thibaut Ruggeri (41 ans)

Ce Haut-Savoyard originaire de Megève a fait ses classes chez Michel Guérard et Georges Blanc avant de rejoindre la Maison Lenôtre en 2007 après un passage chez Le Taillevent. Bocuse d’or en 2013, il s’est installé à l’abbaye royale de Fontevraud en 2014.

Dès 2017, il a obtenu sa première étoile au Guide Michelin. Sa religion ? Les trois B : le Bon, le Beau et la Biodynamie. Thibaut Ruggeri mise sur les produits du terroir local et synchronise la production du potager de l’abbaye sur le calendrier lunaire. Il change d’ailleurs sa carte à chaque changement de lune, tous les 29 jours et demi.

Conçu par le designer Patrick Jouin et l’architecte Sanjit Manku, son restaurant, qui marie les matériaux modernes au style ancien, est installé dans un cloître du prieuré Saint-Lazare, l’un des nombreux joyaux du site historique. Le lieu vaut autant le détour que l’abbaye, c’est dire…

Fontevraud, 38 rue Saint-Jean-de-L’Habit, Le Prieure Saint-Lazare, 49590 Fontevraud-l’Abbaye. fontevraud.fr/les-restaurants/fontevraud-le-restaurant/


Article initialement publié le 24 juin 2022.

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