Je me branle, donc j’essuie (mon âme)

Chaque mois, le professeur Goldsechs aborde un pan de la sexualité. Nouvelles tendances, pratiques inconnues, expériences étonnantes : tout est bon pour se libérer de ses mauvaises habitudes érotiques.

 

Professeur Goldsechs

Lété est en train de mourir doucement et emporte avec lui les amourettes de vacances, les siestes caliente, les coups de chaud derrière les dunes… Voici la rentrée et ses jours qui raccourcissent, sa course contre le temps, sa baisse de libido. Eh oui, la vie n’est pas qu’une piña colada sirotée au bord d’une piscine entourée de corps fermes et vigoureux. C’est aussi une soupe de lentilles avalée sur un coin de table avec les enfants qui braillent dans la chambre. Le rapport avec la masturbation ? Aucun, en apparence. Et pourtant, à bien y réfléchir, le paluchage n’est-il pas l’un des plus sûrs moyens de réenchanter la vie quand celle-ci fait grise mine ?

Les chiffres sur la masturbation sont assez complexes à se procurer car, à l’heure du tout-porno, celle-ci reste paradoxalement une pratique intime et secrète. Heureusement, l’IFOP se penche régulièrement sur la question. En 2017, le très sérieux institut révélait que le fait de se tripoter était beaucoup plus fréquent en ce début de XXIe siècle que durant les années 1970 : ainsi, 74 % des femmes interrogées déclarent s’être déjà caressées contre 19 % à l’époque du flower power. Chez les hommes, ils sont 95 % à l’avouer aujourd’hui contre 73 % au siècle dernier. Pour faire simple, on se branle de moins en moins de l’onanisme, réjouissons-nous-en !

Car cette pratique, ardemment défendue par certaines personnalités pour qui la branlette du cerveau n’est pas une mince affaire – « Ne dites pas de mal de la masturbation, c’est le plus simple moyen de faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime », dixit Woody Allen –, est non seulement un moyen « animal » de libérer ses pulsions, mais c’est surtout une formidable manière de jouer avec ses fantasmes sans mettre en péril celui ou celle que l’on chérit.

« Se taper une pogne, s’astiquer le manche », comme le dit Lester Burnham dans American Beauty, est plus qu’une manière de se faire un petit plaisir : c’est la permission de jouir avec l’interdit, une forme d’autonomie de l’Autre et de son désir. C’est du moins ainsi que l’interprète Freud et, pour le coup, on est plutôt d’ac avec le barbu viennois. On ajouterait même que la masturbation est l’un des derniers actes romantiques dans un monde de brutes épaisses.

Il est intéressant de se pencher sur le romantisme tel qu’on l’entendait dans les cercles culturels du XIXe siècle : une volonté de l’artiste d’explorer toutes les possibilités de sa palette afin d’exprimer ses états d’âme, une prédominance du sentiment sur la raison, une exaltation du mystère et du fantastique cherchant le ravissement dans le rêve et le cauchemar, le morbide et la féérie. Soit un système représentatif proche de celui nécessaire à la masturbation.

Pensez-y la prochaine fois que vous vous offrirez une petite douceur en solo et que défileront des flashs de quelques secondes : voisine d’open space à quatre pattes/flash/fiancée se joignant à la scène/flash/mais que fait mon meilleur ami qui se dévêt ?/flash/scène de groupe bisexuelle olé olé/flash/un poney apparaît soudain/flash/mon Dieu, tout cela ne va-t-il pas trop loin !?/flash…

En quelques minutes, le cerveau est allé puiser au plus profond de l’inconscient de chacun pour satisfaire ses besoins primaires – bestialité, transgression, solitude, toujours selon le bon Sigmund. Comme un bon coup de Destop dans un évier bouché d’un tas de trucs en attente de putréfaction. Il n’est pas beau, le vît ?

Le mot de la fin ? Si la masturbation est l’un des plus sûrs moyens d’arriver à l’orgasme, il serait toutefois dommage de faire sienne cette saillie de Karl Kraus, écrivain autrichien dont l’œuvre fut aussi prolifique que transgressive : « De temps en temps, une femme est un substitut convenable à la masturbation. Mais, bien sûr, il faut beaucoup d’imagination. »

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