« Quand je me remémore la sensation des habits avec boutonnage et sans élasthanne. » Le trait d’humour inscrit sur une photo du compte Instagram de @vogueturfu début novembre vaut son pesant de leggings et autres tenues stretch, le jogging en pôle position. Le second confinement aurait-il tiré un trait sur le sursaut esthétique, la sensuelle sophistication des jupes ajustées, des chemisiers chics, des vestes pleines de tenue ou des talons gravitationnels, cette envie d’être belle et sexy avec laquelle nous avons tout juste renoué ? Rien de moins sûr.
Certes, le discours d’Emmanuel Macron à peine terminé, notre œil, guidé par un sursaut reptilien, a entamé un scan inquiet de la penderie – ouf, il est là ! Mais parce qu’on a retenu la leçon du premier confinement, parce que cette fois, la distanciation sociale qui appelle au (ré)confort a éveillé un désir inverse, on crie « oui à son port, non au laisser aller » de sa ligne – que nous savons désormais libérée de sa trivialité par les maisons de luxe.
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Rappelez-vous : il a été notre sauveur, notre vêtement à tout et rien faire. Notre doudou de l’enfermement. Lentement pourtant, ce meilleur ami s’était mué en une fatalité du quotidien : le no look.
Cannibalisant tout sur son passage, héraut du nivellement du style, il nous a fait céder. Céder à la coupe sauvageonne (cheveux gras), au pull oversize (en réalité difforme), n’hésitant bientôt plus à errer dans les rayons du Monoprix ainsi vêtues ce qui, il n’y a pas si longtemps, aurait signé notre suicide social. La toute première fois, ça nous a fait un peu bizarre, on a senti comme un tressaillement de notre ego vaniteux, puis plus rien. Silence. C’en était fait de notre fashion police intérieure.
Quand le luxe s’empare du survêt’
Fort heureusement, tout ça, c’est derrière comme l’annonçaient déjà, fichées sur le derrière du pantalon mou, les lettres en strass « Juicy Couture » de la collection Automne-Hiver 2016/17 Vêtement x Juicy Couture (le label californien de survêtements des années 2000).
Oui, entre temps, des anges du style, inquiétés de l’enveloppe de nos fesses ont enfin pris celles-ci à bras le corps. Kim (Kardashian) en tête qui, ce 21 octobre, sentant le vent de nos envies tourner, a réembauché sa copine Paris Hilton pour promouvoir avec elle les dernières créations de sa marque Skims sur les réseaux sociaux : une collection de joggings en velours.
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Les deux BFF les ont endossés, démarche assurée sur fond de parking, chacune un maxi sac Vuitton au poignet, comme pour suggérer une nouvelle ère dans laquelle le survêt’ affiche de nouveaux droits : sa part de luxe. Luxe qui, d’ailleurs, ne s’est pas privé de lui offrir ses lettres de noblesses dans les collections Printemps-Été 2021.
Camel, minimaliste, s’arrêtant sous le genou chez Max Mara, ultra fluide et élégant chez Y/Project, éco responsable et tie and dye chez Collina Strada, le voilà oversize et ultra rouge chez Balenciaga. Nouvel uniforme ? Qui sait, mais bel et bien présent sur les catwalks (vides) des défilés.
Le jogging outragé ! Le jogging réhabilité ! Le jogging réinterprété ! Mais le jogging libéré.