L’Art est une marchandise

Hervé Fischer investit la Galerie Parisienne le temps d’une performance et d’une exposition au cœur du calendrier de la Fiac, quelques mois avant une rétrospective de son œuvre programmée au Centre Pompidou. Quarante ans après son apparition, l’art sociologique n’a rien perdu de son impact.

Éric Valz

À l’heure du procès Wildenstein, où l’on apprendra que les Fragonard, Cézanne, Degas, Monet ou Picasso accumulés depuis plus d’un siècle par une dynastie de marchands d’art n’ont d’autre utilité que d’être gagés en banque pour emprunter à taux réduit, l’argent étant ensuite placé avec un rendement supérieur, une exposition consacrée à Hervé Fischer, en plein cœur du calendrier de la Fiac, ne peut que réjouir les vrais amateurs d’art.

 

L’art en question

Intitulée « Market art, alchimie postmoderne – changer l’art en argent et vice-versa », l’exposition présente, entre autres, au premier étage de la galerie, une série de tableaux consacrés à l’économie. Sur chaque toile de la banque Hervé Fischer est peint un montant qui restera la valeur d’origine de chacune pour toute transaction à venir. Un pied de nez aux marchands du temple qui font grimper artificiellement la cote de leurs artistes ou qui entretiennent le fantasme du profit cash sur un nouveau Jean-Michel Basquiat. Un travail de très longue haleine, qui prend racine dans les seventies avec l’apparition de l’art sociologique, « pratique artistique remettant l’art en question en le référant à son contexte idéologique, socio-économique et politique, d’une part, et d’autre part en attirant l’attention sur ses canaux de communication, sur ses circuits de diffusion, sur leur éventuelle perturbation et subversion. » Les nouvelles cathédrales de l’art, les Fondations (Pinault, Louis Vuitton), apprécieront dans ses performances ses critiques des mécanismes dans l’art ou la mise en lumière du circuit du pouvoir et de l’argent.

tableau

Adulte mâle citoyen des villes

Car la sensibilité d’aujourd’hui, explique alors (en 1974) le Collectif Art sociologique (Hervé Fischer, Fred Forest et Jean-Paul Thénot), n’a plus pour trame le rapport de l’homme individualisé au monde mais celui de l’homme à la société qui le produit. Ce que Gilles Deleuze traduira par : « En Occident, l’étalon que suppose toute majorité, c’est : homme, adulte mâle citoyen des villes. »

Dans l’Hygiène de l’art de Fischer, le plastique devient modernité et s’ingère sous forme de pilules… Après avoir émigré au Québec et s’être immergé dans les technologies numériques, il s’autoproclame peintre primitif du numérique et dresse le portrait de l’ADN en langage binaire, sexualise les codes-barres.

 

Ovide au pinceau

Dans sa Métamorphose d’Euclide, il est un Ovide au pinceau, transformant sur toile les courbes de variations quantitatives en paysage Renaissance (mon œuvre préférée). De cette peinture à l’âge du numérique, il détournera encore l’imagerie scientifique – les drapeaux ne peuvent rien sans les trompettes – sur les données planétaires en planches anatomiques, voire en iris d’ozone qui nous questionnent du regard. Ou comment transformer la douleur d’un monde qui s’éteint en poésie pure « like a child’s dream from the rings of Saturn », chante Nick Cave après la mort de son fils.

Cela vaut bien une déflagration, un coup de fusil à la Niki de Saint-Phalle, écho de cette lointaine époque du Nouveau Réalisme dont l’odeur de poudre nous fait encore relever le nez. Aujourd’hui artiste alchimiste, Fischer écrit : « Ce que nous attendons de l’art, c’est qu’il exalte l’imaginaire de l’épopée humaine […] dans ses excès comme dans son ordinaire et ses aliénations. »

 

fisherMarket art, alchimie postmoderne – changer l’art en argent et vice-versa
Hervé Fischer.

Galerie Parisienne, 26, rue de Seine, 75006 Paris.
Du 20 au 29 octobre 2016.

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