Laurence Arné, seule contre tous dans « Une Affaire française »

Dans la mini-série (six épisodes) Une Affaire française, qui commence ce 20 septembre sur TF1, Laurence Arné incarne une journaliste chargée de suivre l’affaire du petit Grégory qui a défrayé la France en 1984. Personnage libre et combatif, c’est un rôle taillé sur mesure pour la comédienne qui lie les enjeux de la femme des années 80 à la féminité d’aujourd’hui.

Judith Spinoza

Après La Part du soupçon, une fiction inspirée de l’affaire Dupont de Ligonnès, dans laquelle vous jouiez aux côtés de Kad Merad, vous voilà sur le petit écran dans la mini-série Une Affaire française. Vous incarnez Jeanne Lombardie, une journaliste de RTL dépêchée dans les Vosges pour suivre l’affaire du petit Grégory Villemin, 4 ans, retrouvé mort noyé le 16 octobre 1984 dans la Vologne. Encore un fait divers ! Pourquoi avoir accepté ce rôle ?

Spontanément, j’ai dit à Christophe Lamotte, le réalisateur : « Je ne vais pas faire tous les faits divers ! » Il m’a rappelé quelques semaines après en insistant et m’engageant à parcourir le script ! J’ai lu et j’ai soudainement eu terriblement envie d’incarner cette journaliste.

C’est une personnalité forte, en lutte contre le patriarcat. Une femme dont les collègues machistes disent avec ironie dans le premier épisode « c’est bien, elle ne se laisse pas faire ! », et la seule journaliste qui prend le parti de défendre Christine Villemin, la mère du petit Grégory.

J’avais été très choquée par la série documentaire Netflix dans laquelle Christine Villemin est accusée par une société médiatique très patriarcale d’avoir tué son fils. J’ai donc trouvé intéressant de défendre un autre point de vue. Celui de Jeanne Lombardie, qui en réalité, est le mélange de plusieurs journalistes. Elle devient l’alliée de Christine et la porte-parole pro-Villemin. Dans la série, elle est aussi l’unique reporter qui garde une certaine éthique et qui réalise que les médias font sombrer l’enquête à cause de leur égo et de leur course au scoop.

Elle mène un double combat…

Il est même triple ! Jeanne Lombardie crée une vraie sororité avec Christine Villemin et se bat avec elle contre cette meute médiatique. Elle lutte aussi contre le machisme qu’elle subit dans son univers professionnel en prouvant qu’une femme peut avoir une carrière journalistique. Enfin, elle défend une éthique, une déontologie malmenée par la plupart de ses confrères.

Pourquoi Christophe Lamotte, le réalisateur, est venu vous chercher ?

On avait déjà travaillé ensemble et selon lui, j’étais faite pour ce personnage. Comme c’est une série très sombre, peut-être cherchait-il quelqu’un ayant la capacité de défendre le rôle d’une femme indépendante, battante, volontaire et pleine d’énergie.

Aviez-vous suivi l’affaire à l’époque ?

Non, je m’y suis replongée par la suite.

Comment aborde t-on en tant que mère le fait de jouer dans une série traitant d’un infanticide ?

Ce sont des sujets tellement violents qu’il ne faut pas se faire emporter par ses émotions. C’est important de doser avec délicatesse et laisser la place au spectateur. Si tout est trop chargé, on étouffe. Ici, en l’occurrence, les gens ont tellement souffert avec ce drame, il y a déjà un passif, une charge, il faut le prendre en compte. Ensuite, que l’histoire ait réellement existé ou non, en tant qu’acteur, tu es toujours dans la vérité du rôle.

Malgré l’horreur de ce fait divers, la série a une dimension très humaniste, d’une part à travers votre personnage, très engagé auprès de la mère de Grégory, d’autre part en appuyant sur la force amoureuse qui unit le couple Villemin.

Combien de couples se séparent après le deuil d’un enfant ? Savoir que Christine et Jean-Marie Villemin sont encore ensemble, qu’ils ont su reconstruire une vie familiale après tant de souffrances, quelle force ! La série rend définitivement hommage à leur histoire d’amour.

Marguerite Duras, qui apparaît dans la série, avait été envoyée à Lépanges-sur-Vologne par le journal Libération pour décrypter cet infanticide. Convaincue de la culpabilité de Christine Villemin, elle la décrit, dans son article du 17 juillet 1985, comme une héroïne féministe qui ne réussit à se libérer des chaînes patriarcales qu’en tuant son propre fils.

Si Marguerite Duras a identifié avec une longueur d’avance les violences domestiques que subissent les femmes – et qui d’ailleurs, ont explosé pendant le confinement -, elle a fantasmé sa vérité et son imaginaire psychanalytique sur la mère du petit Grégory sans même la rencontrer ! C’est une horreur de plus qui lui a été faite.

Parmi les six épisodes composant Une Affaire française, quelle scène vous a profondément marquée ?

La scène de l’enterrement du petit Grégory, que nous avons jouée le dernier jour du tournage. Toute l’horreur de l’affaire, regroupée au cimetière : la mort de l’enfant, la souffrance des parents, la présence des membres de la famille parmi lesquels se cachent des coupables et enfin, la violence des journalistes qui s’emparent du moment tels des loups affamés. En ce qui concerne plus spécifiquement mon personnage, je dirais : toutes les séquences dans lesquelles Jeanne Lombardie est animée par une forme d’engagement absolu pour sauver Christine ou essaye de mener son enquête avec indépendance. Cette femme est une battante.

Parce qu’elle refuse de changer sa ligne et résiste à la pression de sa rédaction qui « veut vendre » ?

Oui, elle refuse de retourner sa veste d’un article à l’autre. Elle se rebelle contre sa hiérarchie qui lui demande de changer son propos. Son intégrité l’empêche d’abîmer un métier qu’elle respecte profondément.

Gérard Jugnot, Guillaume de Tonquédec, Laurent Stocker…Vous jouez au côté d’une ribambelle d’acteurs dont les personnages défendent d’autres thèses que celle de Jeanne Lombardie. L’ambiance du tournage était-elle affectée par les rôles respectifs que vous incarniez ?

Malgré nous, on poursuivait l’enquête sur le plateau. Nous avions tous lu des bouquins ou vu la série Netflix, certains avaient suivi l’affaire à l’époque… Même la caméra éteinte, ce drame continuait à nous hanter.

Au-delà de la succession d’erreurs judiciaires et de thèses hasardeuses qui ont marqué l’enquête, Une Affaire française brosse le tableau des médias des années 80.

Une Affaire française apporte un regard aiguisé sur la façon de consommer les médias parce qu’elle décrit le début de l’information en continu et insiste sur notre responsabilité en tant que spectateur de garder un esprit critique et de veiller à trier l’information.

L’ironie, c’est que vous avez suivi des études de médias et communication politique ?

En effet, même si je ne me destinais pas à devenir journaliste. D’ailleurs, l’une des premières choses qu’on m’a apprise, c’est de ne jamais traiter l’info à chaud ! Or, la couverture médiatique de l’affaire du petit Grégory est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire. C’est un cas d’école en termes de succession d’erreurs judiciaires et médiatiques.

Le 20 octobre prochain sort aussi sur Netflix 8, rue de l’Humanité, le film que vous avez co-écrit et tourné avec Dany Boon. C’est une comédie avec un fond dramatique, puisqu’elle traite du confinement…

C’est l’histoire d’une douzaine d’habitants d’un immeuble parisien qui se retrouvent enfermés avec la peur d’être contaminés. Nous nous sommes amusés à explorer toutes les émotions – la peur de l’autre ; le ras-le-bol de l’isolement ; braver l’interdit en organisant des apéros ; les stades du confinement. Au-delà de la comédie, c’est un film qui retrace cette situation inédite et dramatique avec humanité, et apporte – je l’espère – un peu d’optimisme…


Une Affaire française, mini-série de six épisodes diffusée sur TF1 à partir du lundi 20 septembre 2021.

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