Le kitsch, c’est chic !

Longtemps synonyme de mauvais goût, revoilà le kitsch, ses assemblages hétéroclites et criards en tête des tendances de la rentrée ! Culture, déco, beauté…, on dresse le bilan de cette étonnante mode du démodé.

Emilie Boëlle

Un vent de suranné

Vous n’avez pas pu le louper au mois de juillet : le retour en fanfare de Céline Dion, ses robes en lamé et ses déclarations d’amour enflammées. Et à moins d’avoir passé tout l’été en mode avion dans la Creuse, vous n’êtes pas sans ignorer la reformation des Spice Girls pour un concert anniversaire cet automne, tout en rose girly, couettes et compensées à paillettes. Pas plus que vous ne pouvez avoir évité l’invasion des filtres Snapchat qui ajoutent à nos portraits des oreilles de chiot et des bouches en cœur, ou celle de Pokémon Go qui, via nos Smartphones, envahit les rues de petites bêtes crachant des bulles fluo. Si vous débarquez donc, bienvenue en pleine effervescence kitsch, où le goût douteux ne fait plus de doute ! Partout, le too much, le non assorti, investissent notre environnement. Mieux, les voici mis à l’honneur de manière tout à fait assumée, comme à La Galerie des Galeries qui présente, jusqu’à mi-septembre, « TP-Rama », une exposition d’étranges installations criardes et amusantes de Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari, le duo à l’origine du magazine Toiletpaper. « Dans le Pop Art, le kitsch est racheté et élevé à un nouvel état de dignité esthétique », déclarait Umberto Eco. À croire que la citation du maître italien continue de souffler sur ce mois de rentrée !

Une mode dépareillée

S’il s’installe régulièrement sur les épaules de célébrités surmédiatisées, telle Rita Ora et sa robe à petits poneys, l’actrice Margot Robbie et son fourreau licorne pailleté, ou Miley Cyrus et Lady Gaga et leurs looks tout en poils violets, le kitsch s’invite désormais là où on ne l’espérait pas. Pour la très attendue collaboration entre Kenzo et le géant H&M, Humberto Leon et Carol Lim, le duo de designers à la tête de la maison japonaise, osent mêler le cuir noir au zébré rouge, rose et bleu, que l’on n’aurait jamais osé assortir. Et ça fonctionne ! Déjà, les modeuses font référence à « un festival d’imprimés osés qui jurent entre eux pour un incroyable rendu harmonieux ».
Sur les podiums de cet automne 2016, même diapason. Chez Fendi, des fourrures ornées de fleurs criardes viennent égayer d’austères marinières, tandis que Rochas et Valentino revisitent le look octogénaire, tout en cols fermés jusqu’au menton, robes preppy mais chaussettes flashy. Chez Prada et Balenciaga, même combat : comme taillé au couteau, le tombé des robes et manteaux la joue anarchique, se parant d’imprimés écossais, à pois, rayures ou pointillés dignes d’un tableau de Monet que l’on aurait fondu sur un Picasso. Ces looks de hipsters poussés à l’extrême et flirtant malicieusement avec une absence totale de style sont-ils en passe de devenir nos nouveaux référents ?

Une déco rococo

Quant aux nains de jardin, cactus en céramique et autres coussins en patchwork, tous attirent l’œil du chaland, qui n’avait pourtant rien demandé, même sur les étagères des boutiques les plus raffinées. Pour preuve : au beau milieu des robes couture et des manteaux griffés qui ont investi le premier étage du Bon Marché pour le mois de septembre, trône un atelier de plantes vertes où le cactus, décliné en vase, bougie ou lampe, vient piquer la rétine des clients. Chez Bergdorf Goodman, le plus grand magasin de luxe new-yorkais, une exposition temporaire de foulards aux imprimés mi-fluo, mi-bestiaux, trône en vitrine, tandis que le londonien Harrods propose, à travers l’exposition « Made with Love », de remettre à l’honneur le « fait main », en peignant soi-même des sérigraphies d’hippocampes en guise de papier peint. « Vade retro mauvais rococo ! », entendrait-on crier les puristes. Pourtant, la fine fleur de la déco s’aligne, réadaptant les codes du kitsch avec le talent décomplexé qu’on lui connaît. Chez l’éditeur Moissonnier, d’immenses dessins de roses rouges bousculent les commodes Louis XV, tandis que le foufou Matthew Williamson et le plus tradi Pierre Frey parent nos murs d’imprimés exotiques aux couleurs vives, appelés à réveiller les tons taupe, beige et les lignes graphiques qui nous faisaient vibrer l’année passée.
Les icônes du chic à la française, enfin, ne sont pas en reste. Pour Inès de la Fressange et sa charmante boutique-bazar de Saint-Germain-des-Prés, la mascotte prend la forme d’un petit faon pailleté à poser sur son bureau (à côté de votre Pokémon Go ?). Sarah Lavoine, quant à elle, imagine pour septembre une nouvelle vaisselle en forme de fruits et légumes comme on n’osait plus en produire, qui se vend comme des petits pains. Dans l’assiette, histoire de pousser la tendance jusqu’au bout, on déguste d’étonnants « zebra » ou « leopard » cakes, ces gâteaux qui jurent avec toutes les vaisselles du monde et envahissent de leurs imprimés fous les réseaux sociaux.
La leçon à retenir de cette démonstration désassortie ? En septembre, tout ce qui ne se ressemble pas s’assemble, pour mastériser à l’infini le délit de kitscherie !

 

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Campagne Balenciaga automne 2016

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Céline Dion

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La mascotte faon d’Inès de la Fressange

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Installation TP-rama à la Galerie des Galeries

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Défilé Fendi automne-hiver 2016

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Campagne automne-hiver de Moschino

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Kenzo x H&M

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Le retour des Spice Girls

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Défilé Prada automne 2016

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Margot Robbie

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Défilé Rochas automne-hiver 2016

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Papier peint Matthew Williamson

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La vitrine de septembre de Bergdorf Goodman

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