humeur
Les savons de
Claire Castillon
Les cadeaux de Noël
Je rêve d’un temps de paix où offrir ne serait pas acheter, où recevoir serait différent de l’habitude, du rattrapage de balles, tiens, tiens, prends ça, renvoie. Noël approche et si l’on se réjouit des lumières de la ville, des vitrines animées, de la neige pourquoi pas, et des calendriers dans les chambres d’enfants, si l’on aime décorer le sapin, les fenêtres, avec ce poids au cœur qui vient de très très loin, si l’on regarde, tout de même, les vieux à chapeau rouge et à longue barbe blanche, on est aussi capables des pires calomnies. Il paraît que parfois on fait appel à d’autres. On est dans l’embarras pour trouver un cadeau : Noël vient et l’on demande à quelqu’un de chercher. Un « personal shopper » ! Un intrus pour vous dire : « Voilà ce qu’aime votre femme, vos enfants seront ravis ». A-t-on si peu de temps pour réfléchir vraiment à ce qu’aimer veut dire ? Le cadeau est-il le geste, le devoir, l’objet ou l’amour tendre ?
Les enfants font des listes, les parents le demandent, passant par le père Noël pour dire « Vite, écris-lui ! ». Là d’accord, c’est mignon, et on garde les lettres, même quand l’enfant grandit. Il arrive que l’on réclame une liste à un adulte. La liste d’un adulte ressemble à une liste de courses, de tâches à effectuer : une clef USB, un nouveau téléphone, une culotte, un roman, une guitare si possible. Le personal shopper, j’imagine, trouve ce qu’aime la personne qu’il ne verra jamais mais qu’il compte bien cerner puisque c’est son métier. Vous voulez tomber juste ? Il est là pour trouver la passion dans votre œil. Vous êtes au téléphone, il ne les verra pas, cette passion, cette douceur, cet amour, cet élan, ce désir, ce besoin d’offrir le très juste cadeau à la personne aimée. Le cadeau adapté, généreux, renversant. Le personal shopper déduira tout pour vous. Sans doute qu’il a de bonnes idées, comme un chasseur d’appartements, un décorateur de cuisine. En tout cas, il déduit votre cadeau de l’amour que vous auriez pu y mettre.
Je comprends tout, franchement, surtout l’absence de temps, mais que veut dire Noël si l’on court le 24 à la recherche du rien qui doit combler le tout ? Noël, c’est une année, en vrai c’est ce qu’il faudrait. Quand on voit les personnes à qui l’on veut offrir quelque chose de sensible, c’est facile de se fondre dans leurs rêves, habitudes, goûts, ou moteurs peut-être. La course du 24 a tout de même quelque chose d’intense et de marrant. Donc certains la recherchent. Et l’urgence n’empêche pas de choisir avec la tête. C’est la dernière ligne droite de la course vers le cœur. Réfléchir et trouver, c’est tout ce que l’on vous demande. « Il a tout », se dit-on, « rien ne lui plaît », « à son âge c’est pas simple », « elle n’est jamais contente » : voilà ce qui nous bloque dans le choix de la douceur. Les idées que l’on se fait de l’autre, et sa définition. Mais l’autre n’est pas un mot. Moi, je veux des surprises. Des surprises à la hâte, des surprises lentement, des surprises peu à peu. Et surtout des paquets qu’on prend le temps de faire. Le papier doit briller, il faut que ça étincelle, là, au pied du sapin, qu’il y ait du merveilleux dans le geste, dans la donne. On peut faire de beaux nœuds en rubans de tissu. On peut regarder un livre de contes, se rappeler le sapin dont rêvait la petite fille aux allumettes. Ce n’est pas si difficile d’offrir une pluie d’étoiles.
Accordez-vous cette joie de chercher vraiment bien, ni dans les guides, ni dans la mode, mais dans la tête de l’autre, ce qui pourrait lui rendre les yeux de ses quatre ans quand il découvrira son nom sur un paquet. Un nom écrit vraiment, qui raconte une histoire, un nom qui veut dire Toi, Nous, je t’aime ou je pense à toi.