Marguerite de Tavernost, la photo dans la peau

Elle a 29 ans et habite depuis peu à Paris, après avoir vécu 12 ans à l’étranger (Londres, Madrid, Istanbul, Berlin). Tombée dans la photographie dès l’adolescence, Marguerite de Tavernost nous raconte ses voyages et ses nombreuses sources d’inspiration.

La rédaction

Jeune photographe, Marguerite de Tavernost démarre avec un Nikon D5100. Il lui permet de réaliser ses premiers portraits lors d’un voyage d’un mois en Birmanie en 2010 ; seulement un an et demi après que le régime de la junte militaire a entamé un processus constitutionnel.

« C’est lors de ce voyage que j’ai développé mon œil et que j’ai senti naître et grandir ma passion pour le photoreportage. Ce que j’entends par photoreportage, c’est le voyage “intelligent”, à l’opposé de ce qu’on qualifierait un voyage touristique classique. Le pouvoir du photoreportage est qu’il permet de nous sensibiliser à une nature ; à des cultures ; des sujets sociétaux ; des questions éthiques et morales auxquelles on n’aurait autrement jamais été exposés. Il n’est possible de retranscrire cela qu’en sortant des sentiers battus ; en habitant chez les locaux ; en essayant de comprendre leurs coutumes sous différentes perspectives à la fois humaine, économique ou spirituelle. Ce qui contient son lot de risques et d’imprévus… tout particulièrement lorsque vous êtes une femme. »

S’ancrer dans le moment présent

Presque dix ans plus tard, elle découvre sa réelle passion, la photo argentique. « Ce qui me touche particulièrement dans cet art d’exception, c’est le retour aux sources, avec une ligne puriste. Je ne retouche aucune de mes photos, par exemple. » Elle utilise un Olympus OM-40 avec un objectif Zuiko 50 mm très simple et accessible ; avant de basculer sur un Leica M6 avec un objectif Summicron-M 50 mm, une merveille absolue.

Avec deux mots d’ordre, la contemplation et le lâcher-prise, qui lui permettent non seulement de s’ancrer dans le moment présent ; mais également d’être plus réceptive aux merveilles environnantes, tant d’un point de vue humain que sauvage.

« Cette pandémie globale nous a forcés à remettre en question notre rapport à la croissance ; à un rythme de vie effréné ; à la course perpétuelle au “toujours plus”. Nous sommes aujourd’hui dans un monde qui cherche furieusement une balance entre le digital et l’analogique, le virtuel et le réel ; afin de retrouver notre équilibre spirituel et humain, de nous reconnecter avec nous-même pour mieux apprécier des instants simples de la vie. C’est ce qu’on peut également qualifier de renouement avec la “slow life”. »

Ainsi, son attention va s’attacher à certains détails, certaines expressions, qui la touchent au vif et qu’elle essaie de retranscrire à travers ses photos.

La forêt impénétrable

Toujours en mouvement, Marguerite se souvient des quatre pays qui l’ont le plus marquée : l’Iran et son peuple d’une hospitalité incroyable, un pays à la croisée de multiples cultures ; la Patagonie ; la Namibie pour sa nature si dramatique et puissante ; et enfin la Tanzanie, où elle effectue l’ascension du mythique Kilimandjaro.

« Mais, au final, mon voyage le plus enrichissant fut probablement celui en Ouganda, durant lequel j’ai apprivoisé mon Leica M6. C’était un rêve d’aller admirer les gorilles “dos argenté” et les chimpanzés. Je dois beaucoup à sir David Attenborough, à l’origine de mon premier éveil à la nature et aux efforts de conservation. Ses reportages avec les gorilles dans la jungle, ainsi que ceux de Jane Goodall avec les chimpanzés, sont restés imprégnés dans ma mémoire. J’ai également été touchée par les enfants avec lesquels nous avons passé du temps dans les villages. Leur insouciance volée ; leur regard qui pénètre votre âme et en même temps révèle la leur ; ces étincelles de joie ; de désespoir ou d’espérance qui animent leur visage… Tout cela exprimé en une fraction de seconde, avec une puissance hors norme. Droit au cœur. »

Une rencontre toute particulière l’a également chamboulée : celle avec une femme de 102 ans dans un petit village à proximité de la forêt impénétrable de Bwindi. « Une force de la nature ! Quelle chance d’avoir pu écouter son histoire et danser sur ses pas, sous une pluie diluvienne qui ébranlait ce village boueux et révélait ce joyau brut qui s’y cache, ce joyau brut qu’est la vie. »

Ses icônes

Quand, à travers ses clichés, on observe ces moments passés avec des femmes, enfants et hommes des villages les plus reculés d’Ouganda, ainsi qu’avec les Batwa (une population de pygmées indigènes qui a été expulsée de la forêt de Bwindi pour un souci de conservation des gorilles), on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le travail de Claudia Andujar, l’immense photographe brésilienne d’origine suisse et hongroise.

En 2020, la Fondation Cartier a organisé une remarquable exposition sur le reportage que Claudia avait effectué auprès des Yanomami, un peuple d’indigènes qui vit au cœur de l’Amazonie. Claudia Andujar a lutté toute sa vie pour la démarcation de la terre Yanomami au Brésil. Ce peuple regorge de pratiques spirituelles fascinantes et entretient un rapport unique à la terre-forêt (urihi), qu’il considère comme une entité vivante faisant partie d’une cosmologie complexe ; qui inclut aussi bien les êtres humains que les non humains.

Claudia Andujar a su retranscrire cela dans ses photos qui vous prennent aux tripes. « Mes deux autres icônes, dont j’ai toujours beaucoup admiré le travail, sont Jimmy Nelson et Sebastião Salgado, deux immenses figures de la photographie. Leur travail et leur engagement laissent sans voix et insufflent un vent d’inspiration pour se servir de l’art comme moyen de défense des minorités. »

Toutes ses photos sont à retrouver sur : @maguitte et maguitte.eu

Lire aussi : Jacques Pugin, un photographe entre ombre et lumière

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