Quand l’opéra fait peau neuve

Longtemps réservé à une élite, le monde de l’opéra s’ouvre à un nouveau public, plus jeune et plus branché, par le biais de superproductions et de partenariats intelligemment marketés. Démonstration de cette nouvelle « opération séduction ».

Emilie Boëlle

Du cinéma aux scènes en plein air : une multitude de nouveaux canaux

Loin, très loin de se cantonner à ses scènes grandioses et parfois inaccessibles, le petit monde de l’art lyrique se tourne désormais vers de nouveaux horizons, adopte de nouveaux supports et se réinvente en des lieux toujours plus surprenants qui attirent un nouveau public. Des salles de cinéma aux plus beaux sites historiques de France, en passant par certaines plages, le voici désormais qui voyage. Écouter le timbre d’ambre du plus grand chanteur actuel, Jonas Kaufmann, ou se laisser porter par la voix de velours d’Anna Netrebko devient possible sans avoir à débourser des fortunes, par exemple en allant au cinéma. Entre deux projections de Marguerite de Xavier Giannoli et Florence Foster Jenkins de Stephen Frears (ces films qui, à leur manière, rendent hommage à l’art lyrique), UGC et le projet « Viva l’opéra ! » retransmettent depuis trois ans dans les salles obscures les plus belles productions de l’Opéra de Paris, de la Scala de Milan ou de l’Opéra national de Vienne, en direct ou en différé, pour des tarifs allant de 10 à 30 euros la place. À l’Arlequin ou au cinéma Publicis, pour quelque 26 euros sont retransmises les productions de la Royal Opera House de Londres ou du Metropolitan Opera de New York, nourries de scènes tournées dans les coulisses avec les artistes qui se prêtent volontiers à cette cure de jouvence.

Si d’aucuns préfèrent encore la scène à l’écran, d’autres initiatives permettent d’accéder aux plus grandes voix dans de somptueux cadres. Dans des lieux historiques, le festival « Opéra en plein air », créé par l’entrepreneur Tristan Duval, met en scène les plus belles œuvres du répertoire. Du palais du Luxembourg à l’hôtel des Invalides, en passant par le château de Vaux-le-Vicomte, ces superproductions se succèdent en valorisant à la fois l’opéra et le patrimoine architectural français. Sur les plages de Royan cet été, plus de 50 000 personnes s’étaient donné rendez-vous au festival « Violon sur le sable » pour entendre la chanteuse Karine Deshayes, tandis qu’aux Chorégies d’Orange, un drone filmait les répétitions de La Traviata pour une retransmission unique au cinéma. Enfin, au centre pluridisciplinaire Éléphant Paname, à deux pas de l’opéra Garnier, entre deux sessions de yoga et une expo de danseurs étoiles, se tient le festival « l’Instant lyrique » imaginé par le chanteur Richard Plaza, qui propose d’approcher de près Anne-Sophie Duprels, Patrizia Ciofi et d’autres grandes voix de la scène actuelle, lors de concerts intimistes où les invités se voient triés sur le volet.

Séduits à leur tour par cette appétence pour un public plus éclectique, les grands théâtres se mettent au diapason. Avec le soutien de la Fondation BNP Paribas, Stéphane Lissner, directeur des Opéras Bastille et Garnier, propose désormais des places au tarif fixe de 10 euros, avec cet argument : « l’opéra reste très cher et pratiquement inaccessible pour certaines catégories de population. Son succès passera donc par la baisse du prix des places ».

Opera_01

Des partenariats originaux et des égéries de haut niveau

Loin de se restreindre à une baisse des coûts, les directeurs d’opéras et de festivals imaginent aussi des programmations variées, en créant des partenariats avec des visages bien connus du monde de la mode, de la musique pop ou du cinéma. En témoigne le passage de Benjamin Millepied à la direction de l’Opéra de Paris : en seize mois, il a réussi à glamouriser la scène par de nouvelles productions et des galas dont le casting, digne du tapis rouge des Oscars, annonçait déjà sa succession en la personne de la tout aussi prestigieuse Aurélie Dupont.

Côté programmation, en juillet à l’Opéra Garnier, entre deux représentations classiques, se tenait à l’affiche un concert de Johnny Hallyday, tandis qu’en septembre, le théâtre du Châtelet alterne une série de récitals de la chanteuse Sumi Jo avec la comédie musicale américaine 42nd Street, multipliant ainsi les propositions à l’adresse d’un public d’habitués et de novices qui ne demandent qu’à découvrir autrement la musique classique.

À la mise en scène, les cinéastes les plus connus se succèdent. Beaucoup sont séduits par les ors de l’opéra : de Benoît Jacquot pour Werther à Christophe Honoré, invité cet été à Aix pour illustrer le Cosi fan Tutte de Mozart, en passant par Bertrand Bonello, annoncé pour Don Carlos de Verdi à la Bastille ou Terry Gilliam, animant Benvenuto Cellini de Berlioz. Pour les superproductions, à la mélomane Arielle Dombasle, invitée en 2015 à revisiter La Traviata de Verdi, succède Jacques Attali, l’homme politique féru de musique. Aux Invalides, il porte un regard nouveau sur La Bohème de Puccini, dont l’orchestre demeure sous l’égide de la très médiatisée Anne Gravoin, épouse de Manuel Valls. Plus original encore, le touche-à-tout Guillaume Gallienne imaginera la mise en scène de La Cenerentola de Rossini courant 2017 pour l’Opéra de Paris.

Aux commandes des costumes, s’affichent de plus en plus les grands noms de la mode : Jean Paul Gaultier, Mary Katrantzou, Christian Lacroix ou, plus récemment, Karl Lagerfeld qui habillait les danseuses pour l’entrée au répertoire du Brahms-Schönberg Quartet de Balanchine au mois de juillet. Et tandis que l’Opéra de Paris propose des collections capsules dans sa galerie (en ce moment : Ron Dorff), les artistes multiplient les collaborations mode – telle l’étoile Dorothée Gilbert, égérie de la marque Repetto, ou Aurélie Dupont, représentant la marque de Jérôme Dreyfuss – et rivalisent de toujours davantage de beauté et de talent. En témoignent les sublimes et adulées chanteuses Anna Netrebko, Sonya Yoncheva, Ermonela Jaho ou Elina Garanca, qui se partagent les plus grandes scènes internationales. Bref, en cette fin d’année, sur le sable, au cinéma, sur scène ou sur papier glacé, les ors de l’opéra n’ont pas fini de nous faire rêver !

Partager cet article

A lire aussi
48 heures milan

48 heures à Milan

Si l’Italie est bien connue pour être un musée à ciel ouvert avec ses églises baroques, son histoire, sa peinture ou encore son architecture, Milan ne fait pas exception à la règle. On se balade ainsi d’une rue à l’autre, les yeux tantôt levés pour admirer des fresques perchées, tantôt baissés pour contempler mille et une statues. Visite guidée le temps d’un week-end.

tea time ladurée

L’heure du thé chez Ladurée

Au cœur de son écrin restauré des Champs-Elysées, Ladurée dévoile un savoir-faire maîtrisé pour un tea time à la française dans un décor à l’esprit historique.

body float

On a testé pour vous le body float

Les meetings s’enchaînent, la frénésie urbaine n’est pas prête de s’arrêter (encore moins avec les beaux jours) et vous vous sentez déconnectés ? La rédaction a testé pour vous le body float, une expérience immersive où la gravité disparaît au profit d’un moment de méditation intense.