Rachida Brakni

Depuis deux décennies, Rachida Brakni, qui fêtera ses quarante ans le 15 février, arpente les plateaux de tournage avec un mépris furieux pour les poses et les minauderies. Elle accomplit aujourd’hui ses débuts derrière la caméra avec De sas en sas, un film fiévreux et intransigeant qui lui ressemble.

Olivier de Bruyn. Illustration Jérôme Meyer-Bisch

La quarantaine rugissante

« C’est désolant de voir à quel point on prend si souvent le public pour un imbécile et je déteste ça. »

Au début du siècle, une jeune femme à la beauté de feu et au talent exponentiel crève l’écran dans quelques films notables, en premier lieu Chaos de Coline Serreau, qui lui vaut un Oscar du meilleur espoir féminin en 2002. D’autres, forts de cette notoriété soudaine, auraient enchaîné les films comme autant de perles superflues et se seraient brûlé les ailes au feu de la surmédiatisation. Pas Rachida Brakni, née dans une famille modeste, amoureuse du théâtre et de la langue française (elle fut à vingt ans pensionnaire de la Comédie-Française) et en guerre depuis toujours contre les clichés associés à son pedigree de « fille de banlieue » ayant réussi son intégration dans la « grande famille » du cinéma français.

La chasse au pathos

Quinze ans après ses débuts, Rachida Brakni, la quarantaine toute proche, la beauté toujours de feu et le talent exponentiel, surprend en signant son premier film en tant que réalisatrice : De sas en sas. Un film tourné « à l’arrache » (750 000 euros de budget, une misère) et qui met en scène, un jour d’été caniculaire, quelques femmes qui viennent rendre visite à leurs proches incarcérés dans la prison de Fleury-Mérogis. « Je n’ai jamais eu aucune velléité de devenir réalisatrice, déclare-t-elle. C’est la nécessité de raconter cette histoire qui m’y a entraînée. Il y a quinze ans, je rendais régulièrement visite à un proche incarcéré en prison. Je savais qu’il y avait un film à faire sur les femmes en attente de parloir. À force d’attente et d’humiliations diverses, elles subissent une sorte de peine indirecte. »
Le résultat : un film fiévreux, radical et dépourvu de pathos. À l’image de sa réalisatrice : une femme qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui jette un regard lucide sur les réalités qui l’entourent, par exemple celles du cinéma français, réticent à financer des projets hors norme comme le sien. « L’écart se creuse de plus en plus entre les très grosses productions souvent bâclées et des films qui se tournent dans une économie en forme de peau de chagrin, dit-elle. Au milieu, par contre… C’est désolant de voir à quel point on prend si souvent le public pour un imbécile et je déteste ça. »

Chemins de traverse

Et Rachida Brakni de citer, en guise de contre-exemples stimulants, des films récents comme Fatima, de Philippe Faucon, ou La Loi du marché de Stéphane Brizé. Ces œuvres ne prennent pas le public pour un imbécile et remplissent les salles. Face au formatage qui menace, l’actrice et réalisatrice refuse de céder à la médiocrité ambiante, néglige les rôles anodins et privilégie les chemins de traverse : le théâtre, qu’elle adule depuis toujours ; la musique, qui la passionne (elle a sorti un premier album en 2012) et sa vie de femme à Lisbonne, au Portugal, où elle a choisi, en avril dernier, de s’installer pour un an. « J’ai accompli ce choix histoire de prendre l’air et de vivre une nouvelle expérience. Histoire, aussi, de m’écarter du climat politique détestable qui règne ces temps-ci en France. Et cela me fait un bien fou. » Rétive au petit jeu des confidences – elle a toujours été d’une réserve extrême sur sa vie privée et son idylle avec Eric Cantona –, intransigeante et subtile, Rachida Brakni entend bien continuer à n’en faire qu’à sa tête, en toute indépendance et liberté. Une excellente idée.

De sas en sas, de Rachida Brakni, avec Zita Hanrot, Meriem Serbah, Fabienne Babe… Sortie le 22 février.

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