Roxane Mesquida

Mannequin (Elite, IMG) puis actrice, elle a tourné avec des réalisateurs au style marqué comme Benoît Jacquot, Catherine Breillat, Quentin Dupieux ou encore Philippe Grandrieux pour lequel elle joue Léna dans son dernier film Malgré la nuit. Sa beauté est une lumière qui contraste avec des rôles parfois très sombres. Des choix assumés. Rencontre.

Aude Bernard-Treille

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Quel genre de femme êtes-vous ?
Je suis un peu tout et son contraire, je suis Balance. Indécise, sauf pour les choses importantes comme choisir un film, alors je le fais très rapidement sans me tromper. Je suis aussi perfectionniste, exigeante, et casanière.

Avec qui vous a-t-on déjà confondue ?
Quand Andrzej Zulawski est mort j’ai posté une photo de Romy Schneider sur Facebook. Elle avait tourné dans L’important c’est d’aimer. Sur les commentaires, on me disait « Tu es trop belle », il paraît que je lui ressemble. Et aux États-Unis, au Starbucks, le serveur a écrit « Eva » pour Eva Green sur mon café, sans me demander mon prénom.

Comment décririez-vous le film Malgré la nuit ?
C’est un film qui est difficile à expliquer car Grandrieux a une manière de travailler très artistique. Il y a peu de films de ce genre avec des plans très longs, du silence, des images sombres ; d’ailleurs un de ses films se nomme Sombre. On a plus l’habitude d’un scenario avec des actes qui se suivent de façon claire. Avec lui, les règles sont complètement cassées, alors ses films sont davantage une expérience.

À quel moment avez-vous su que vous pourriez interpréter le personnage de Léna ?
Figurez-vous que j’ai accepté le rôle sans avoir lu quoi que ce soit car je suis fan de Grandrieux depuis longtemps, j’ai vu tous ses films, et on s’était rencontrés il y a quatre ans. Entre-temps il n’avait pas eu tous les financements pour le film, il est parti donner des cours à Harvard puis deux ans plus tard il est revenu. Et il m’a recontactée.

Votre jeu semble très naturel, est-ce parce que Léna vous ressemble quelque part ?
Je ne crois pas trop au côté « Actor’s studio », je ne suis pas dans l’interprétation, je pense qu’on donne tous quelque chose de soi quand on est devant la caméra. J’essaye d’être au plus près de la sincérité et de l’émotion. Il s’agit de quelque chose d’assez brut. C’est souvent la peinture qui m’inspire, j’aime beaucoup les impressionnistes et d’ailleurs j’ai toujours eu du mal avec l’art contemporain car c’est le seul art qu’on doive expliquer. On comprend quand on lit l’interprétation de l’artiste et à ce moment-là on dit « Ah oui c’est intéressant. » Je préfère ce qui se comprend sans explication. L’art doit se ressentir.

Qu’est-ce que vous partagez avec votre personnage ?
Je suis allée chercher des choses assez sombres de ma personnalité, c’est comme un exutoire qui fait que je suis, dans mes films, à l’opposé de ce que je suis dans la vie. J’utilise ces personnages plutôt extrêmes à cette fin. On a tous, à différents degrés, ressenti les émotions de Léna. Évidemment, je n’ai jamais souhaité la mort de quelqu’un, mais sa jalousie va au-delà. Elle est jalouse de ce qu’il est, lui. Cette fille est en plus sous l’emprise d’un père terriblement dur avec elle.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans ce tournage ?
De chanter car pour moi c’est plus facile d’être à poil. J’avais l’impression de dévoiler mon âme. C’est quelque chose de très intime, alors qu’être nue, c’est juste un corps. Chanter c’est différent, on donne quelque chose qui vient de très loin. J’ai beaucoup répété et les scènes ont été tournées en concert, en live.

Pensez-vous que l’amour a toujours un côté destructeur ?
Pas toujours heureusement, mais cela m’est déjà arrivé d’être dans des relations où je me perdais, où je ne savais plus qui j’étais. Ce qui ne va pas dans une relation, c’est lorsqu’on commence à ne plus s’aimer soi-même. On se met parfois avec des gens car on aime simplement le fait d’être aimé, ça nous fait du bien.

Jusqu’où pourriez-vous aller dans la souffrance ?
Je ne sais pas. La souffrance ne se justifie pas, jamais. En même temps je pense qu’il faut avoir un côté maso pour jouer les rôles que j’accepte.

Quel est votre côté le plus sombre ?
Je suis assez extrême. J’ai toujours eu peur de ce qui peut détruire la santé et mon mode de vie hyper sain vient de là. Je n’ai jamais fumé, ni bu d’alcool, le pire truc que je bois ce serait le coca ! à l’opposé du côté destructeur de mon père, que je n’ai jamais connu, j’ai cherché la sécurité et la construction. Même si dans mon métier la sécurité n’est pas évidente, j’ai réussi à trouver un équilibre.

Vous avez tourné des films assez forts, voire osés, très jeune, qu’est-ce qui détermine vos choix ?
Mon premier film s’appelait Marie Baie des Anges avec Amira Casar et Vahina Giocante. Ensuite j’ai rencontré Benoît Jacquot pour L’École de la chair avec Isabelle Huppert et Vincent Martinez. Je n’avais aucune culture cinématographique. J’ai grandi dans une petite commune du Var où il n’y avait pas de cinéma. Il n’y avait que la peinture qui m’intéressait. Et j’ai eu la chance de rencontrer très jeune Catherine Breillat qui m’a initiée à son cinéma un peu plus artistique.

Vous vivez aux États-Unis où il y a beaucoup de pudeur, en France sentez-vous qu’on est plus libéré quand on parle d’érotisme ou de scènes de nu ?
En fait ce n’est tellement pas assumé là-bas que cela en devient vulgaire. Les filles peuvent être complètement à poil, mais si l’on cache les tétons alors ça va ! C’est complètement dingue, c’est comme sur Instagram, très hypocrite. Playboy aux États-Unis a même décidé de ne plus mettre de femmes nues !

Qu’est-ce que votre métier d’actrice vous a appris sur vous ?
Je suis très timide, mais sur un tournage je suis complètement désinhibée.

Enfin, qu’auriez-vous envie de dire au cinéma français ?
Je n’ai jamais vraiment été adoptée par la grande famille du cinéma français, si elle existe en tout cas. Je n’ai jamais été nominée aux César en meilleur espoir, même pour À ma sœur de Catherine Breillat alors qu’on a eu un prix d’interprétation à Chicago. Je crois que travailler avec Breillat qui était détestée explique cela, mais c’est en voyageant dans le monde que je me suis aperçue qu’elle était aimée ailleurs. À ma sœur est d’ailleurs étudié dans les écoles de cinéma. Mais je n’ai aucune frustration par rapport à ça.

MLN-affiche
Malgré la nuit.

Sortie le 6 juillet 2016.
Avec Roxane Mesquida,
Ariane Labed et Paul Hamy.
De Philippe Grandieux.

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