Vitalie Taittinger, la « gardienne du temple »

Depuis janvier 2020 et à seulement 40 ans, Vitalie Taittinger a pris la présidence de la maison champenoise. Nouvelle gardienne de l’héritage familial, la jeune femme au prénom rimbaldien compte bien poursuivre l’écriture de cette belle histoire initiée par son père lors du rachat de la maison au fonds américain Starwood : transmettre avec sens. Nous l’avons rencontrée à l’occasion du lancement de la cuvée 2008 Comptes de Champagne.

La rédaction

Taittinger lance la cuvée 2008 Comtes de Champagne, définie comme « un voyage dans le temps » en référence à Thibault IV, qui ramena des croisades l’ancêtre du chardonnay. Quelle est la part d’histoire moderne dans cette cuvée ?

La part moderne, c’est nous qui la créons en ayant choisi le grand cru chardonnay sur son énergie particulière. Ce sont ses 12 ans de vie entre 2008 et aujourd’hui.

Puisque nous parlons de belle histoire, la vôtre est exemplaire : vous avez pris la tête du groupe Taittinger en janvier 2020, après 2 ans au marketing. À l’époque, vous dites avoir dû faire vos preuves pour que votre père accepte que vous (et votre frère Clovis) intégriez l’entreprise familiale. C’est quoi, faire ses preuves, chez les Taittinger ?

Disons que cela a été une sorte de mise à l’épreuve pour vérifier que mon choix était vraiment réfléchi et pérenne ! Or, dès le premier jour où j’ai pris mes fonctions de consultante, j’ai été à 100% dans l’entreprise.

Vous avez dit aussi que ce rachat de 2006 était une phase de reconquête menée par votre père. Quelle ère ouvrez-vous en 2020 ? Celle de la consolidation ?

Pendant plus de 10 ans, nous avons construit tous les outils pour parfaire notre niveau d’excellence. Sur le plan environnemental, nous sommes aujourd’hui certifié HVE niveau 3, s’agissant de la qualité, en dotant la maison d’une autre unité de production. Enfin, en termes d’expériences client, nous avons ouvert la maison au public. Aujourd’hui, il reste quelques mètres avant d’atteindre le sommet sur ces différents axes. Taittinger doit devenir une maison connotée durable, trouver l’expression la plus juste sur la qualité et l’habillage de ses bouteilles et, enfin, se projeter dans des modèles plus contemporains d’expériences client.

Vous avez désigné votre père comme un guerrier numéro 1. Comment vous désigneriez-vous ?

Je me vois plutôt comme une gardienne du temple, même si l’esprit guerrier va de pair avec ce rôle !

Vitalie Taittinger ©Martin Morrell

Vous cassez tous les codes et tous les usages de la Champagne : vous êtes l’une des rares femmes à occuper une présidence et qui, de surcroît, n’a pas suivi le cursus classique d’école de commerce, mais une formation artistique (l’école de dessin Emile-Cohl à Lyon). Comment distillez-vous cette plus-value dans votre présidence ?

Elle transpire déjà ! Ce que je suis et ce que je fais me donne de la distance, un regard qui conduit à des prises de décisions différentes. Cela fait d’ailleurs 10 ans que c’est le cas : lorsque j’occupais mes fonctions marketing, nous nous sommes lancés sur le digital sans nous en remettre à une agence et à ses recommandations. Nous avons préféré traiter cela en interne, pour être en phase avec l’esprit Taittinger, opter pour la sensibilité et non les coups de com. Nous avons aussi lancé un blog dans lequel on ne s’adresse pas qu’aux CSP+. Taittinger est une maison incarnée et doit être le reflet de cette façon de parler.

Vous présidez également le FRAC Champagne-Ardennes. De quelle façon comptez-vous développer le lien entre l’art et la maison Taittinger ?

Je souhaite choisir des collaborations qui établissent un rapport éloigné des modes du marché de l’art. Faire des choix plus sages, que nous révèlerons bientôt.

Vous faites partie d’une association de femmes en Champagne qui s’appelle « Transmission ». Votre idée de la transmission diffère-t-elle de celle de votre père ?

Il m’a transmis l’amour du patrimoine, un profond respect du travail et de ceux qui y œuvrent. Il nous a donné la conviction que ce qu’on fait a un sens. Comme lui, je pense que sans sens, la transmission n’est rien.

Qu’allez-vous y ajouter ?

Ouvrir Taittinger au monde tel qu’il est aujourd’hui, notamment en rapport avec l’environnement.

À votre nomination, vous avez dit que ce n’est pas une personne qui est choisie, mais un principe de fonctionnement. Lequel ?

Le fonctionnement familial. Celui d’une famille élargie dans laquelle il y a par exemple deux DG, mon frère Clovis mais aussi Damien Lesueur. Mon père disait toujours qu’il était le père supérieur de sa communauté de moines. Je ne veux pas être la mère supérieure, mais en tout cas préserver cet esprit de famille.

Existe-t-il des cuvées plutôt masculines ou féminines ?

Taittinger convient vraiment aux femmes. Ce sont des vins propres, clairs, très droits, avec des bulles très fines, comme la cuvée Prélude ou encore Comtes de Champagne blanc de blancs. D’autres sont plus charnus, comme la cuvée Millésimé ou Les Folies de la Marquetterie. À contrario, il existe des champagnes plus vineux, capiteux, avec des goûts de terroirs très marqués qui sont plus sur la bête que la lumière.

L’âme de Taittinger, qu’est-ce que c’est finalement ?

C’est la famille au sens large ! Elle est au centre de tout et préside à toutes les structures et décisions de la maison. C’est un projet qui s’articule dans le temps.

Quel est votre champagne préféré ?

Le Comtes de Champagne rosé, un vin d’une sensibilité incroyable !


Taittinger c’est 150 millions d’euros, 230 collaborateurs, 6,5 millions de bouteilles vendues chaque année dans le monde et 288 hectares.

taittinger.com

Lire aussi : Flâneries champenoises

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