Dieu que c’est bio !

De Carrefour à Monoprix, les enseignes de distribution augmentent leur offre de produits naturels tout en cherchant à raccourcir les circuits d’approvisionnement.

 

Tristan François

Levallois-Perret, jeudi 30 mai, 19h00. Dans le centre E.Leclerc de la galerie commerciale So Ouest, c’est l’effervescence. Nous sommes un jour férié, mais les clients se bousculent dans les allées de l’immense hypermarché situé à la lisière du périphérique parisien. Fait nouveau, ils sont très nombreux à s’arrêter devant les rayons bio. Immenses, regroupés à un endroit stratégique du magasin, ces derniers sont immanquables. En moins de deux ans, leur surface a été multipliée par dix. Désormais, on peut faire l’intégralité de ses courses en produits secs et frais dans cette « shop in the shop » : laits, fromages, yaourts, œufs, viandes, poissons, jus de fruits, chocolats… tout y est. L’offre est riche. Si riche que l’on ne sait plus où donner de la tête : choisir un pot de confiture devient un casse-tête. Incontournable, la rangée impressionnante des distributeurs de vrac. On se croirait dans une enseigne spécialisée comme Naturalia ou Bio c’ Bon. Un peu plus loin, au rayon fruits et légumes, un grand présentoir permet de piocher dans des montagnes de barquettes de kiwis bio, des filets d’orange à jus, bio également, et des sachets de bananes labélisées « commerce équitable ». Les employés du magasin apportent à jet continu des palettes de cartons pleins pour combler les vides.

Une révolution est en marche

Partout en France, les enseignes de la grande distribution remettent à plat leur modèle d’approvisionnement et repensent leurs magasins pour faire de la place à l’alimentation du bien-être. La demande des consommateurs pour une alimentation plus saine a tout fait voler en éclats : finie la course aux prix bas, qui se traduisait par des importations massives de fraises andalouses et de tomates hollandaises produites de façon ultra-intensive, place à la mise en place de filières qualitatives, si possible proches des points de vente. On ne martyrise plus les agriculteurs, on les bichonne. Mieux, on les aide financièrement à se convertir aux méthodes plus saines. 

Carrefour montre l’exemple. Depuis qu’il a pris les commandes, Alexandre Bompard a donné un fort coup d’accélérateur à la stratégie bio du géant mondial. Objectif : devenir le leader de ce qu’il appelle « la transition alimentaire pour tous ». Ce qui se traduit par une série d’initiatives embarquées sous le label « Act for Food ». En appliquant un principe fondateur : « garantir le bio 100 % français accessible ». Alexandre Bompard a mis la barre très haut puisqu’il souhaite que son entreprise réalise un chiffre d’affaires de cinq milliards d’euros sur le bio en 2022. Des rayons et des produits bio sont désormais présents dans tous les formats de magasins Carrefour. À la fin de l’année 2019, tous les produits pour bébé vendus par l’enseigne seront bio. La pression est donc forte sur les équipes du leader français. Elles battent la campagne pour susciter des vocations. « Notre responsabilité, ce n’est pas seulement d’attendre qu’on nous propose des produits », explique Benoît Soury, un ancien de La Vie Claire devenu directeur du marché bio chez Carrefour. « Il faut que l’on s’engage pour développer des filières. Nous proposons des contrats sur cinq ans aux agriculteurs. Il ne faut pas ignorer les difficultés qu’ils rencontrent quand ils se convertissent au bio. Nous allons jusqu’à leur avancer le montant des aides auxquelles ils ont droit quand elles sont trop longues à venir. » Exemple concret de cette démarche proactive : Carrefour a signé en 2018 un accord avec 66 producteurs de lait : en 2021, ce sont dix millions de litres de lait bio annuels supplémentaires qui seront fournis au distributeur.

Positionnée plus haut de gamme, Monoprix, la chaîne urbaine du Groupe Casino, a pris de l’avance sur les géants du secteur. Cela fait très longtemps qu’elle a fidélisé les meilleurs fournisseurs pour développer la marque Monoprix Gourmet. La coopérative de vente de pommes du Limousin Limdor fait partie de ce club très recherché. « Je réduis le nombre d’intermédiaires au maximum, je travaille en direct avec les coopératives », confie Nicolas Bonnetot, directeur de l’alimentaire et de la beauté de l’enseigne. « J’ai mis en place un partenariat durable avec les producteurs. Et je connais chacun d’entre eux : je sais par exemple qui me fournit la viande. Résultat : j’ai une maîtrise parfaite de mes filières, qui n’utilisent pas de glyphosate. »  Cette recherche de la qualité se traduit tout de même par des prix de revient plus élevés. « C’est plus facile pour Monoprix », reconnaît Nicolas Bonnetot. « Nous ne sommes pas impliqués dans la guerre des prix comme Carrefour ou E.Leclerc. Nos consommateurs sont prêts à payer un peu plus pour avoir une offre de qualité. »

Une offre de qualité et de plus en plus locale

Les clients de la grande distribution sont désormais soucieux d’acheter des produits qui n’ont pas fait des centaines de kilomètres avant d’arriver dans les présentoirs des magasins. Chez Carrefour, qui peut s’appuyer sur un réseau logistique constitué de 22 plateformes dédiées aux produits frais, on estime que 20 % des produits frais en moyenne proviennent de fournisseurs locaux. Et ce pourcentage est plus élevé pour les produits laitiers. « Avant, nous n’avions qu’un seul producteur de carottes bio pour toute la France », indique à titre d’exemple Benoît Soury. « Nous en avons maintenant un dans cinq régions différentes. » C’est à Paris que le challenge est le plus difficile à relever. « L’urbanisation a entraîné une destruction des zones de maraîchage », regrette Nicolas Bonnetot. Monoprix achète toutefois à la start-up Agricool des fraises qui poussent sans pesticides dans un conteneur high-tech à Bercy. Elles sont cueillies le matin et mises en vente le jour même au magasin de Beaugrenelle, dans le XVe arrondissement. L’enseigne soutient également un projet de production de salades dans le sud de Paris. De son côté, Carrefour propose, dans ses rayons parisiens, des œufs produits par une coopérative bio de la région Île-de-France. « Quand on raccourcit le circuit, cela permet d’améliorer la fraîcheur des produits », appuie Nicolas Bonnetot. Les jardins et les toits des grandes villes transformés en potagers, ce n’est pas de la science-fiction. À Levallois, on cultive maintenant des légumes au-dessus du centre commercial So Ouest. Ils sont vendus directement devant les caisses du centre E.Leclerc. Difficile de faire plus court.

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