Expos : Paris en mode XXL

L’hiver parisien nous réserve une guest-list peuplée de VIP : Nobuyoshi Araki et ses sensuels clichés en noir et blanc, les folles heures de l’histoire du hip-hop, Samuel Fosso et ses réincarnations, le magazine Vogue et ses photographes de l’espace. Prêts pour le tapis rouge ?

Raphaël Turcat

Hip-Hop, à la Philharmonie

Avec Hip-Hop 360, la Philharmonie se plonge dans les racines du rap français, celui « des premières heures du terrain vague de la Chapelle / À l’époque les héros s’appelaient Actuel / Lucien, Dee Nasty, Tecol et Meo », comme le chantait NTM en 1993. En 1982, Bernard Zekri, Jean Karakos et Jacques Massadian organisent le New York City Rap Tour : les jeunes Français découvrent la magie des MC’s (Afrika Bambaataa), du graff (Futura 2000, Fab 5 Freddy, Rammellzee, Phase 2) ou du breakdance (Rock Steady Crew).

La sauce prend immédiatement d’autant que, deux ans plus tard, les ados se massent devant H.I.P. H.O.P., animée par l’inénarrable Sidney. L’émission de TF1 dure un an, puis le hip-hop disparaît des radars. Des activistes comme Dee Nasty ont beau entraîner derrière eux une poignée d’irréductibles, ce mouvement underground né de communautés marginalisées du Bronx semble voué à la disparition. Pourtant, le hip-hop connaît un deuxième printemps dans les années 1990. Le Cut Killer Show ; MC Solaar ; NTM ; IAM ; les Sages Poètes de la rue ; Assassin (on en passe) remettent une pièce dans le juke-box.

Depuis, le rap est devenu la musique la plus écoutée au monde, avec une vraie scène française, se transformant au gré des époques et des personnalités. C’est cette étonnante histoire que narre la Philharmonie grâce à des photos, des mixtapes, des focus sur l’utilisation des samples. À découvrir casquette vissée sur la tête.

Hip-Hop 360, du 17 décembre 2021 au 24 juillet 2022. La Philharmonie de Paris – Musée de la musique, 221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris.

Les 101 points de vue d’Araki

Ceux qui cherchent le grand spectacle et la rigolade peuvent passer leur chemin. Les autres, pour qui l’art doit déranger, bousculer, interroger, courront à la Bourse de Commerce pour découvrir les 101 photographies ; réalisées en 1993 par le Japonais Nobuyoshi Araki trois ans après le décès de sa femme. Araki est une légende de la contre-culture nippone, un type hardcore obsédé par le sexe et la mort ; deux pulsions indissociables l’une de l’autre, il en est persuadé.

Plus soft que ses séries bondage ou presque porno, ses errances dans le Tokyo des bars à strip-tease et des geishas, cette série montre le quotidien du photographe désormais veuf : un chat adopté avec sa femme ; des rues et des ciels de la capitale japonaise aussi tristes que sublimes ; et puis, bien sûr, son obsession jamais éteinte des corps féminins, des culottes de jeunes filles et de ce regard entre artiste sans concession et journaliste subjectif.

Intitulée Shi Nikki (Private Diary) for Robert Frank, la série est donc dédiée au photographe américain Robert Frank ; qui déclarait en 1972 : « Je détruis ce qu’il y a de descriptif dans les photos pour montrer comment je vais, moi. » Ça pourrait être la devise du grand Araki.

Nobuyoshi Araki, du 8 décembre 2021 au 30 juin 2022. Galerie 3 de la Bourse de Commerce. 2 rue de Viarmes, 75001 Paris.

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Un siècle en Vogue

Il y a trop de monde au Palais de Tokyo ? Vous avez oublié de réserver votre place pour le musée d’Art moderne de Paris ? Traversez l’avenue du Président-Wilson pour vous rendre, juste en face, au Palais Galliera – musée de la mode. Conçu pour la duchesse de Galliera à la fin du XIXe, le palais a réouvert il y a un an après de sérieux travaux qui l’ont fait passer dans le XXIe siècle, ouf !

Mais c’est du siècle précédent dont on parle principalement puisque le musée déroule l’histoire du magazine Vogue Paris de 1920 à 2020. Le plus ancien des magazines de mode français est le seul à porter le nom d’une ville ; quand les autres éditions sont vulgairement affublées du nom du pays où sont installées leurs rédactions. Michel de Brunhoff ; Edmonde Charles-Roux ; Francine Crescent ; Carine Roitfeld ; Emmanuelle Alt… « Le Vogue », comme on dit dans le milieu de la mode, a vu passer du beau monde à sa rédaction en chef qui a eu le chic de choisir des photographes auxquels l’exposition laisse une large part : Doisneau ; Hoyningen-Huene ; Horst ; Bourdin ; Klein ; Newton ; Watson ; Lindbergh ; Testino ; Inez & Vinoodh.

Ça claque en noir et blanc et en couleurs à Galliera ; d’autant que l’exposition exhume également les grandes collaborations entre le magazine et les créateurs – de Saint Laurent à Lagerfeld – et dresse en filigrane un siècle de vie parisienne. Et puis, Vogue Paris, c’est aussi l’idée d’un certain chic qu’incarne si bien Catherine Deneuve photographiée par David Bailey en 1966 sur l’affiche de l’exposition. Cœur avec les mains.

Vogue Paris, 1920-2020, jusqu’au 30 janvier. Palais Galliera. 10 avenue Pierre-1er-de-Serbie, 75116 Paris.

Les 1 000 visages de Samuel Fosso

Se rendre à la MEP (Maison européenne de la photographie), c’est d’abord faire une infidélité au Paris haussmannien, et on aime ça. Dans cet hôtel particulier construit en 1706, l’automne consacre Samuel Fosso, Fregoli africain de la photographie à l’existence chaotique et dramatique. Balloté du Cameroun au Nigéria, du Nigéria en République centrafricaine, l’enfant paralysé, survivant de la guerre du Biafra, commencera comme autodidacte dans son Studio Photo Gentil, promettant à ses clients des portraits où « vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître ».

Fosso, influencé par les grands maîtres de la photographie africaine comme Seydou Keïta et Malick Sidibé, y termine ses pellicules en se mettant en scène dans des tenues excentriques. Des années plus tard, il est devenu une star avec, notamment, la série African Spirits (2008). L’artiste y interprète les grandes figures noires, leaders politiques, artistes, activistes.

Dans ce panthéon personnel, on reconnaît entre autres Haïlé Sélassié, Angela Davis, Malcom X, Martin Luther King, Seydou Keïta, tous interprétés par Fosso. Suivront les séries Emperor of Africa ou Black Pope où il se rit des contextes géographiques et culturels. Humour, gravité, hypermodernité : la virée dans le Marais s’impose.

Rétrospective Samuel Fosso, jusqu’au 13 mars. Maison européenne de la photographie. 5-7 rue de Fourcy, 75004 Paris.

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