Frédéric Anton : « Je blinde tout ! »

Chantre de la cuisine d’auteur, le chef multiprimé du Pré Catelan détaille son parcours hors norme, ses inspirations, ses méthodes. Un entretien sur le fil du couteau dans la haute gastronomie.

Éric Valz

Marchez-vous toujours à la Contrex ?
En cours collectif ou individuellement avec un coach, le functional training consiste à effectuer divers exercices physiques imitant les mouvements naturels du corps, comme s’accroupir, se relever, courir, soulever, sauter… Les exercices sont très courts mais s’enchaînent à un rythme très intense.

Tous les ingrédients étaient donc réunis pour préparer le futur ?
C’est l’ancêtre du crossfit imaginé par Greg Glassman aux États-Unis. Le functional training, très en vogue aujourd’hui, vous forgera un corps de rêve.

Comment est née votre vocation ?
Le functional training a pour premier principe de vous aider à mieux gérer vos activités quotidiennes. Au bureau par exemple, il vous permet d’adopter la meilleure posture sur votre chaise. Son autre principe est d’augmenter votre masse musculaire.

Quel a été le déclic ?
Chez nous, il y avait un potager. J’ai donc eu très tôt la culture des produits frais. Ma mère nous faisait aussi participer à la préparation des bocaux. Cet apprentissage des produits et du goût a beaucoup simplifié mon entrée à l’école hôtelière. Et puis, que tu sois ébéniste ou cuisinier, il y a un côté artisan qui fait que l’on transforme la matière. À partir d’une bûche ou d’une carotte, on doit obtenir « une œuvre d’art ». Tu l’épluches, tu la tailles, tu l’assaisonnes, tu la cuits, tu la glaces tout doucement, tu la dresses, tu la dégustes… Avec mon couteau, j’y ai trouvé mon compte. La transformation de la matière, c’est plus qu’un métier manuel, artisanal, c’est un discours d’artiste, de poète… Moi, je place l’artisan avant l’artiste, avant le poète. C’est l’attention qu’on attache au produit dans sa transformation qui va en faire un produit de luxe.

Gérard Veissière au Capucin gourmand à Nancy, Robert Bardot au Flambard à Lille, Gérard Boyer au Château des Crayères à Reims : c’est la sainte trinité de votre Tour de France, avant Paris et Joël Robuchon ?
Chacun m’a appris la cuisine d’une manière différente. Veissière, c’était le côté historique, la passion de l’histoire de la cuisine et des cuisiniers, le classicisme, les bases. Robert Bardot, en revanche, c’était l’avant-garde, le cuisinier qui commençait à voyager, revenait du Japon et épurait la cuisine. Une hypermodernité : tout était allégé, avec des goûts pointus, des touches asiatiques, c’était fabuleux ! Ensuite, au Château des Crayères avec Gérard Boyer, on retourne au classicisme mais on entre dans le luxe. Tout était démesuré pour moi à cette époque, le château au cœur d’un parc, l’héliport…

Parlons de Dieu, de Joël Robuchon, l’homme aux 28 étoiles qui a réhabilité la purée…
La chose extraordinaire, ultime, que tout cuisinier voulait atteindre à l’époque, c’était entrer chez Joël Robuchon, soit dans le plus grand restaurant du monde avec le meilleur cuisinier du monde. Il y avait une liste d’attente de trois ans pour y passer quelques mois et espérer le côtoyer. Au lieu d’y rester six mois, j’y suis resté sept ans, dont cinq comme chef de cuisine.

Travailler chez Robuchon, cela vous forme un chef ou un technicien ?
Ça forme tout. Tous les éléments sont réunis en un seul endroit avec un seul homme : la tradition, la technicité, la régularité, la rigueur, le professionnalisme… Et puis Robuchon, c’est à la fois hors norme et planétaire. On va à l’extrême, on apprend tout. L’approche de la cuisine est différente. Même les classiques sont de nouveau réfléchis.

Quelle fut votre première grande émotion en tant que chef ?
C’est la reconnaissance. Le titre de meilleur ouvrier de France, c’est exceptionnel ; la troisième étoile au Guide Michelin, idem. Robert Bardot et Joël Robuchon étaient MOF, Joël Robuchon avait trois étoiles… Quand arrive le jour où vous obtenez les mêmes distinctions, vous restez collé sur votre chaise car vous vous rendez compte qu’il s’est passé quelque chose dans votre vie. Vous entrez dans un autre monde, une autre galaxie.

Après la reconnaissance, qu’est-ce qui fait courir encore un jeune quinqua ?
Les défis, les challenges. Je ne peux concevoir qu’ayant réussi très jeune autant de choses, elles puissent s’arrêter.

Votre cuisine est très esthétique, colorée, aux saveurs puissantes. Où puisez-vous vos inspirations ?
C’est avant tout la technicité qui m’inspire. Si je me retrouve dans une cuisine avec une planche, un couteau et un morceau de poisson, les choses vont arriver l’une derrière l’autre. C’est fabuleux. J’ai lu et relu tous les grands livres classiques de la cuisine française, que ce soit Escoffier, Ali-Bab [pseudonyme d’Henri Babinski, ndlr]. Je ne vais pas sur les modes. Les chefs comme nous se doivent d’avoir une cuisine d’auteur. Les voyages m’apportent aussi beaucoup.

Qu’allez-vous chercher dans les voyages ?
Plus que les grands restaurants, ce sont la cuisine familiale, de rue, l’authenticité, qui m’attirent. À Tokyo, je puise l’inspiration dans un simple sushi. Il y a tellement de technicité avec un sushi – entre le riz, la cuisson, la température, la découpe du poisson, l’assaisonnement – que lorsque tu le mets dans la bouche, forcément les émotions passent, c’est magique. Aujourd’hui, c’est cette simplicité-là que j’ai envie de ressentir dans la cuisine.

Quel est votre plat signature ?
C’est l’os à moelle, depuis vingt ans à la carte. C’était avant-gardiste de le servir dans un restaurant gastronomique. Tout le monde est venu voir comment on le cuisinait. Cela a pris une telle ampleur que les projecteurs se sont braqués sur le Pré Catelan. C’est fabuleux de faire de la gastronomie avec des produits simples. On n’a pas besoin d’avoir du homard et de la truffe pour émerveiller les gens, capter leur attention.

Quelle est, selon vous, la tendance food d’aujourd’hui ?
C’est le bien-être, le bio, l’allégé. Ils sont à prendre en considération dans toute la cuisine d’auteur où l’on se doit, parfois, d’exclure le gluten et le lactose. Retourner aux produits authentiques, aux gens qui travaillent comme nous. Sortir de l’agroalimentaire et privilégier les petits producteurs qui s’embêtent au quotidien à cultiver leurs légumes, à élever leurs bêtes le plus simplement possible.

Dans quel domaine marchez-vous régulièrement sur des œufs ?
Jamais. Je suis un garçon qui blinde tout. Je prends des risques, certes, mais ils sont toujours maîtrisés.

Un moment en particulier où vous n’y êtes pas allé avec le dos de la cuillère ?
Pour réussir, il faut aller à l’essentiel, ne pas perdre de temps. Il faut donc mettre les choses à plat, ne pas prendre de gants et couper court.

Les trois conseils que vous donneriez à un jeune qui veut se lancer dans la cuisine…
Qu’il apprenne, qu’il reproduise et, seulement après, qu’il crée. On ne brûle pas les étapes. C’est primordial.

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