La minijupe, une tenue de circonstance

Elle nécessite un minimum de tissu, mais un maximum de principes. À sa façon, la minijupe est un trait d’union entre les aspirations féministes et écologiques de notre époque.

 

Judith Spinoza

Nous la dédions à toutes celles, coincées en ville, pour qui l’heure n’est pas encore au maillot de bain. Nous la recommandons à toutes celles qui cherchent une réponse symbolique à deux maux du siècle – libération sexuelle des femmes et crise environnementale. De quoi veux-je parler ? De la sacro-sainte minijupe à porter de toute urgence.

À ceux qui se demanderaient ce que la minijupe a d’écolo ou de féministe, la réponse tient en quelques slogans, déclamés lors de la Marche pour le Climat le 16 mars dernier : « Bouffe ma chatte, pas la planète ! », « Enculez-nous, pas le climat ! », « Protégez les zones humides ! »

L’écoféminisme, ainsi qu’on l’appelle, relève les parallèles entre la domination masculine et l’exploitation de la nature. D’accord ou pas, la minijupe en est le parfait porte-drapeau. En raccourcissant leurs jupes de quelques centimètres, les femmes ont pris l’exacte mesure de leurs droits et réveillé le juste sens de la Nature. Parce que la mini, c’est une maxi-révolution.

Notre manifeste vestimentaire a plus de 54 ans d’âge, lancé par Mary Quant ou Courrèges – personne ne tombera jamais d’accord, et peu importe. En 1965, grâce à ce petit trapèze, on inverse le ratio entre le corps et le tissu, entre le sujet et l’objet, le droit écologique et le droit légal. C’en est fait de la jupe (du siècle passé) et de son injonction culturelle rappelant la séparation des genres identifiée par Pierre Bourdieu. « La jupe, c’est un corset invisible qui impose une tenue et une retenue, une manière de s’asseoir, de marcher. Elle a finalement la même fonction que la soutane. (…) Votre statut vous est rappelé en permanence par ce bout de tissu qui vous entrave les jambes, de surcroît une entrave d’allure féminine. »* Place au corps dans toutes ses saisons, à l’exagération, à l’étonnement des passants. Cuisses, genoux, mollets, chevilles, les hommes se pâment devant ces nouveaux engins anatomiques délestés de collants que Chanel accusait pourtant d’être disgracieux.

À l’arrivée de l’été et de sa tenue de circonstance, l’exposition que le V&A Museum de Londres dédie à Mary Quant, la styliste britannique des Swinging Sixties**, tombe donc à point nommé pour rappeler à quel point l’émancipation féminine peut s’accorder avec la naturalité. Que la connexion libertaire entre le corps, l’esprit et le vêtement a présidé à la liberté de mouvement et de pensée. Que « vous verrez toujours un progrès social, un système rétrograde ou quelque lutte acharnée se formuler à l’aide d’une partie quelconque du vêtement ». *** Que le progrès se mesure et que la minijupe en est l’indicateur, en plus d’être le manifeste d’élégance grâce auquel nous avons repris de la hauteur. Une initiative juste et ajustée qui gambade bon train dans les rues de la capitale. Légères et court vêtues, ainsi que le clamait Roland Barthes en pleine année érotique, les femmes persistent et signent en 2019 : la minijupe « n’est pas un raccourcissement, mais une construction parfaite » de notre liberté.

* Pierre Bourdieu, entretien avec Catherine Portevin, Télérama n° 2534, 5 août 1998.

** Expo « Mary Quant » jusqu’au 16 février 2020 au Victoria and Albert Museum.

*** Honoré de Balzac, Traité de la vie élégante, édition Mille et Une Nuits, 2002, p.49.

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