La mode à l’heure écolo

Du zéro gaspillage au luxe « durable », l’exigence d’écoresponsabilité  entraîne un changement radical dans l’industrie. Illusion ou réalité ?

 

Judith Spinoza

Zéro déchet. Voici les mots d’ordre pour 2019 du secteur de la beauté et, plus généralement, de l’ensemble des industries. Pour Andrew McDougall, directeur associé de Mintel Beauty & Personal Care, le concept du « sub-zero waste » n’est pas une simple tendance, c’est un « nouvel archétype révolutionnaire ». Mais aussi un devoir de conscience et un enjeu commercial puisque 58 % des Français sont prêts à payer plus cher un produit écoresponsable.

En avant la nature…

Côté mode, en 2017, Marine Serre, lauréate du prix LVMH, le clame : « C’est à nous, jeunes créateurs, de nous engager autrement, d’inventer de nouvelles façons de faire des vêtements. Il y a urgence. » Ainsi, fin avril 2019, les vainqueurs du 34e Festival international de mode et de photographie d’Hyères voient green. L’Autrichien Christoph Rumpf incorpore « l’idée d’une mode plus durable » avec une partie de sa collection recyclée tandis que la Tchèque Maria Nina Václavková réfléchit « à de nouvelles manières de concevoir des chaussures en minimisant l’impact sur l’environnement ». Presque au même moment, la sixième édition de la Fashion Revolution souhaite « inciter ceux qui consomment la mode à imaginer le chemin depuis le cultivateur de la matière première jusqu’au confectionneur et au distributeur ».
Ce rendez-vous fait écho au pavé dans la mare lancé par Li Edelkoort, la défricheuse de tendances et papesse anti-fashion. En 2015, elle a en effet pointé les dysfonctionnements de l’industrie la plus polluante au monde (140 milliards de vêtements sont produits chaque année, nécessitant 79 milliards de mètres cubes d’eau.) Désormais, c’est à qui mieux mieux dans les grands groupes – fast fashion et luxe confondus : Mango et H&M ont respectivement développé leurs lignes « Commited » et « Conscious ». Ferragamo fabrique depuis deux ans des vêtements en fibres d’agrume, Margiela et Courrèges – récemment acquis par Kering – ont annoncé l’abandon de l’utilisation du plastique et du vinyle. Objectif : être en phase avec l’engagement de « luxe durable » du groupe positionné seconde « entreprise la plus durable au monde » selon le classement 2019 Global 100 de Corporate Knights.

… et le greenwashing

Pourtant, comme le relève Noémie Balmat, consultante et fondatrice du think tank Futur 404 dédié à l’avenir de la mode, « on se rend compte qu’il y a beaucoup de discours autour du progrès technique, mais sans réelle évocation des conséquences mauvaises de celui-ci ». En d’autres termes, on fait parler le greenwashing (en bon français « écoblanchiment ») et l’imaginaire de la nature plus qu’on ne met en place un changement profond et viable de paradigmes : Valentino et ses chapeaux de paille, Chloé et ses robes fleuries, une foule de tons chauds répondant au nom de « Living Corail », les défilés PE 2019 s’attachent à recréer la nature plus qu’à la défendre. « Le thème de l’environnement s’impose comme synonyme de ralentissement », confirme Li Edelkoort. L’âge de la nature, mais pas celui de la raison : alors que le rapport sur la biodiversité annonce la disparition d’un million d’espèces, le Living Corail, si en vogue cette saison, n’est-il pas le révélateur même de l’ironie du siècle ? Adorer ce qui est bientôt mort.

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