Le Mille-feuille du mois

Une petite sélection de bonnes feuilles qui vous aidera à bien choisir votre livre de chevet.

 

Sophie Coste

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3 questions à Jonathan Curiel

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Directeur général adjoint des programmes des chaînes M6, W9 et 6ter, en charge des magazines et des documentaires, Jonathan Curiel nous livre une réflexion libre et bien fondée sur les injonctions de notre société à aller vite. Trop vite !

Votre envie de ralentir n’est-elle pas antinomique avec votre fonction ?

Non, pas du tout ! Effectivement, l’audience des programmes de la veille tombe tous les matins, nous devons être réactifs par rapport à l’actualité et nous sommes immergés dans une certaine immédiateté propre à ce métier. En même temps, nous nous efforçons de proposer des contenus qui laissent plus de place au temps long, aux enquêtes et investigations au long cours.

Vous dites que, si nous continuons à ce rythme, nous allons droit dans le mur. Votre discours n’est-il pas un peu exagéré ?

Je pointe les effets pervers de la vitesse et de l’immédiat été dans nos sociétés contemporaines. Perte de valeur de la parole donnée : tweets de Trump, qui peuvent dire une chose et son contraire, propos excessifs et outranciers sur les réseaux sociaux, société amnésique qui célèbre puis fait table rase l’instant d’après. En un clin d’œil, on passe de l’évasion de Carlos Ghosn au déménagement d’Harry et Meghan, de la réforme des retraites aux municipales… On veut aller vite, être partout, mais, en réalité, on n’est nulle part.

Comment faire pour ne pas se retrouver à la traîne dans une société qui s’accélère inexorablement ?

On peut privilégier le temps long, favoriser le consensus au lieu du clivage, mieux cloisonner temps professionnel et temps personnel, ne pas sursolliciter les enfants, réapprendre à s’ennuyer, développer un certain art du temps libre, ne plus subir les assauts permanents de son téléphone et des « alertes ».

Mais, effectivement, ce ralentissement doit être collectif !

Vite ! – Les nouvelles tyrannies de l’immédiat de Jonathan Curiel, éditions Plon, 19,90 €.

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Moi j’suis d’la race écrite !

Yohann Elmaleh nous livre un premier roman fougueux. Ce jeune auteur de 31 ans a grandi à Paris, métro Crimée. Il nous raconte l’histoire de Jo, un jeune de la street, qui découvre la littérature en rackettant un type dans le métro. Tandis que ses potes piquent sa carte de crédit et son portable, Jo lui choure son bouquin sur Nietzsche. Quelques mois plus tard, il s’inscrit à la Sorbonne pour suivre des études de philo. Dès lors, comment ne pas se perdre entre ses potes racailles et ses nouvelles fréquentations lettrées ? Jo écoute Les Fleurs du mal mises en musique par Léo Ferré, étudie Bergson et le rationalisme kantien sur les bancs de la fac, pendant que ses frérots dealent de la weed, du MD, de l’ecstasy et de la coke. Le grand écart… « Schizo social », écrit Yohann Elmaleh. Le langage est aussi fleuri qu’une tombe fraîchement arrangée. C’est un argot des cités à base de « Wesh Bro », un jargon finement retranscrit, qui n’est pas sans rappeler le verbe de Frédéric Dard dans sa cultissime série des « San Antonio ». C’est une rencontre amoureuse qui va agir comme un détonateur. Jo sera écrivain.

Yohann Elmaleh a des lettres. Sa plume lucide et drôle nous fait vivre, entre espoirs et errances, l’éveil à l’art de son personnage. Du musée d’Orsay au « four à beuh » – comprenez une cage d’escalier monopolisée par une équipe de dealers et défendue par des hommes équipés d’armes blanches –, de Van Gogh à ses potes défoncés, on entre de suite en empathie avec Jo. Quel bonheur d’assister à la naissance de deux écrivains : le personnage de Jo et son auteur, Yohann Elmaleh, dont vous n’avez pas fini d’entendre parler.

Moi j’suis d’la race écrite ! de Yohann Elmaleh, éditions Flammarion, 19 €.

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Papa, viens me chercher !

C’est sans aucun doute mon coup de cœur du mois. « Ce livre est un cri », écrit Thierry Delcroix. Ce livre est aussi une claque. Je l’ai lu d’une traite, en apnée. Thierry Delcroix est le papa de Nina, 14 ans au début du récit. Il vit paisiblement entouré de sa femme Muriel et des deux petits frères de Nina, Étienne et Antoine. Tout va bien. Nina est bonne élève, sage, aimante. Tout commence par une banale histoire d’harcèlement à l’école. La mère de Nina est asiatique. Nina est donc eurasienne. Et légèrement en surpoids. Elle subit les railleries de ses camarades de classe. Racisme ordinaire et sarcasmes sur sa silhouette. Nina ne dit rien à ses parents. Pour s’éloigner de son image de petite fille studieuse et sans histoires, Nina se crée un personnage déluré sur les forums du Net et les réseaux sociaux. Elle s’entiche de mauvaises fréquentations et commence à fuguer. Nina veut être libre et indépendante financièrement. Elle commence à voler ses parents et les tirelires de ses frères. Elle fugue et ne va plus à l’école. Commence alors une descente aux enfers qui durera deux ans. Le shit, l’alcool, les mensonges, les fugues, les vols, un viol, puis la prostitution et la coke. Glauque.

Aujourd’hui, Nina est en famille d’accueil, alors que ses parents n’ont rien à se reprocher. C’est son papa qui lui propose d’écrire, chacun de son côté, sans rien éluder, la façon dont ces événements ont été vécus de part et d’autre. Et voici la question que pose ce récit croisé : Que pouvons-nous faire, nous parents, pour empêcher notre enfant mineur de fuguer et de se retrouver dans des situations de plus en plus dangereuses pour son intégrité ? Le constat est glaçant : pas grand-chose. Les parents subissent, démunis. Thierry et Muriel se heurtent à la police et à leur inaction. Leur fille est sans cesse relâchée, livrée à elle-même. Thierry raconte, impuissant, la défaillance des institutions sociales et judiciaires… Jusqu’à cette lettre recommandée du tribunal des enfants qui ordonne un placement provisoire dans une famille d’accueil. Or, la famille n’est pas dysfonctionnelle. Les parents restent hébétés.

La juge des enfants prévient : « Ça va mal finir, cette histoire, ça va finir dans un coffre de voiture avec une balle dans la tête. » Et pourtant, ça continue, encore et encore. Un cauchemar. Au-delà de deux témoignages bouleversants, c’est aussi une expérience littéraire. La fille comme le père vont à l’essentiel. Les émotions retranscrites avec sobriété sont souvent celles qui nous font écho. À lire d’urgence et à réfléchir absolument.

Papa, viens me chercher ! de Thierry et Nina Delcroix avec Jacqueline Remy, éditions de l’Observatoire, 18 €.

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Nuits d’été à Brooklyn

Il est des auteures dont j’attends chaque nouveau livre avec hâte.  Colombe Schneck en fait partie. Depuis des années. Depuis Val de Grâce, plus précisément. Chaque rendez-vous littéraire est une promesse tenue. Comme Claire Castillon, Leïla Slimani, Virginie Mouzat ou encore Justine Lévy, Colombe Schneck a le sens de la construction narrative. À priori, la base pour un écrivain. Oui, mais, bien souvent, ça pêche… Lorsqu’un livre nous barbe, il est probable que le fil narratif soit distendu… Avec Colombe Schneck, on ne s’ennuie jamais.

Son dernier livre, Nuits d’été à Brooklyn, nous absorbe littéralement. Nous sommes en 1991, en plein été, à Brooklyn. Frederick est un Afro-Américain de 41 ans, professeur de littérature, spécialiste de Flaubert. Marié et père de Lizzie, 15 ans, il vit dans une maison cossue du quartier de Carroll Gardens. Esther est la maîtresse de Frederick. Elle est blanche, juive, parisienne et beaucoup plus jeune que lui. Esther vient de finir ses études de journalisme. Elle est en stage pour trois mois à New York.

Colombe Schneck nous emporte dans cette histoire d’amour avec, en toile de fond, un fait divers réel. Août 1991, à Crown Heights, un quartier résidentiel de Brooklyn, un Juif perd le contrôle de son véhicule et renverse accidentellement deux enfants noirs qui jouent de l’autre côté de la rue. L’un d’eux est tué sur le coup. Ce quartier, où cohabitent tant bien que mal différentes communautés, se retrouve très vite à feu et à sang. Les voitures sont calcinées, les magasins mis à sac. On entend : « Morts aux juifs ! » et « Vive les nazis ! » La violence monte inexorablement. La police ne fait rien.

L’histoire passionnelle entre Frederick et Esther ne survivra pas au chaos ambiant. Tout va les opposer jusqu’au point de rupture. Esther ne s’en remettra jamais. Habitée par cet amour perdu, elle va tenter, 25 ans plus tard, de comprendre ce qui s’est joué lors de cet été 1991. Une véritable enquête sociale et politique. Colombe Schneck évoque des thèmes qui lui sont chers. Le racisme et l’antisémitisme. L’amour et l’espoir aussi. Ce livre est un véritable thriller, écrit avec cette plume que j’aime définitivement. Implacable d’efficacité.

Nuits d’été à Brooklyn de Colombe Schneck, éditions Stock, 20 €.

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