Les prix, nouveaux faiseurs de roi ?

Parmi les créateurs de mode, les étoiles montantes ont le plus souvent été révélées par de prestigieux prix. À se demander si ces distinctions ne sont pas devenues la voie royale.

Judith Spinoza

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Delphine Arnault, à l’origine de la cinquième édition du prix LVMH remis à Masayuki Ino pour son label unisexe Doublet, ne tarissait pas d’éloges à propos du créateur nippon : « Ino est un authentique original. Combien de créateurs dessinent et commercialisent des vêtements plastifiés ? Ou produisent des cintres pour T-shirts qui semblent tout droit sortis d’une installation artistique ? Il est vraiment différent ». La marque Doublet passe allègrement au shaker les codes orientaux, occidentaux et ceux du streetwear. « En plus, il est japonais. À lui seul, il prouve que ce prix est vraiment international. »

« Boosteurs » de carrière

Des jurys et des invités prestigieux – ici, respectivement Clare Waight Keller et Emma Stone –, plus de 1 300 candidats issus de plus de 90 pays, cette distinction, réputée donner des ailes à une carrière et qui a récompensé par le passé Jacquemus ou Virgil Abloh, joue la carte du pragmatisme et de l’international. « L’ambition du prix LVMH des Jeunes Créateurs de Mode est d’encourager la vitalité et la créativité à l’échelle internationale », commentait la directrice générale adjointe de Louis Vuitton. Ce prix permet, sinon de rendre célèbre du jour au lendemain, du moins d’exister, d’apprendre à trouver l’équilibre entre les aspects créatifs et financiers, ainsi qu’à jouer la partition de la compétitivité commerciale. Ajoutez le festival de Hyères, lancé par Jean-Pierre Blanc en 1985, le prix de l’ANDAM, fondé par Nathalie Dufour en 1989 sous l’égide de Pierre Bergé, le salon parisien Designers Apartment, initié par la Fédération de la haute couture et de la mode, qui a « découvert » les labels Victoria/Tomas ou Quoï Alexander… les organismes destinés à offrir un tremplin aux créateurs de demain sont nombreux, en France comme à l’étranger. Certains, très au goût du jour, comme le prix Franca Sozzani GCC Emerging Designer, décerné en septembre à l’issue des Green Carpet Fashion Awards, récompensent les jeunes talents écoresponsables de demain.

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Masayuki Ino, défilé de sa marque Doublet.

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Masayuki Ino lors de la remise du prix LVMH des Jeunes Créateurs de Mode.

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Masayuki Ino, Doublet, chemise en plastique.

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Formatage vs esprit libre

En plus d’une dotation de 300 000 euros, le gagnant LVMH bénéficie d’une aide personnalisée au développement. Une équipe dédiée au sein du groupe l’accompagne pendant douze mois. Une expertise indispensable pour construire les bases d’un projet, confient souvent les anciens lauréats, dont les limites – un certain préformatage dans une industrie qui s’essouffle – sont aussi pourtant quelquefois dénoncées.
« Ce n’est plus le stylisme qui fait la marque, et ils devraient récompenser les visions les plus novatrices », expliquait Ana Andjelic, conseillère en stratégie pour les marques de luxe dans un entretien au magazine Vogue. « La question est de savoir comment utiliser ce prix pour le transformer en quelque chose de plus durable. Une fois qu’on est dans le prix LVMH, on fait partie du système de la mode », concluait-elle. Un prix, c’est donc un peu tout à la fois – des considérations économiques mâtinées d’une touche de philanthropie glamour qui récompensent de futurs bons petits soldats ou une ode à la création libre sur laquelle on braque espoirs et projecteurs.

À Hyères, cette année, c’était Haider Ackermann, entouré de Farida Khelfa et de Tilda Swinton, qui avait pour tâche d’élire les lauréats de la 33e édition. Parmi les heureux élus, le duo néerlandais Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh a été récompensé du Grand Prix du Jury pour sa collection masculine « Fish or Fight ». Sous ses allures de manifeste pour la protection de l’environnement, celle-ci ne cède rien au style en s’inspirant des dégaines caribéennes, la terre d’origine des deux créateurs. Au bout, une bourse de 15 000 euros, ainsi que des projets de collaboration avec de célèbres marques. De tremplin ou de pied à l’étrier, certains prix se transforment carrément en passeport pour les défilés, autrement dit la « cour des grands ». Ainsi, celui de l’ANDAM, remis fin juin au discret Antonin Tron, diplômé de l’Académie royale d’Anvers et qui a par ailleurs fait partie de la sélection du prix LVMH 2017. À la tête de la marque Atlein, le jeune Français élabore des robes qui se portent « comme un T-shirt, sans Zip », en jersey ultramoderne, et dont la fluidité et l’élasticité « habillent le corps sans le contraindre ». Ce prix, doté de 250 000 euros, est désormais une référence incontournable. Il offre aux gagnants une visibilité mondiale et leur ouvre les portes du calendrier officiel des défilés parisiens. En tout cas, pour le Belge Glenn Martens, lauréat l’an passé avec Y/Project, ça fonctionne.

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Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh lors de la remise du Grand Prix du Jury pour leur collection masculine, et leur collection.

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Plus besoin d’être « fils de »

Côté outre-Manche, c’est Craig Green, créateur anglais de 32 ans, invité d’honneur du Pitti Uomo à Florence et lauréat du British Menswear Designer of The Year en 2016 et 2017, qui est la nouvelle coqueluche. Il y a cinq ans, ce jeune inconnu, qui se destinait plutôt à devenir sculpteur, présentait pour la première fois sa collection lors du défilé Topman Fashion East, initié par le British Fashion Council pour soutenir la jeune création locale. « Les pièces extrêmes sont plus intéressantes. Ce qui m’a attiré dans la mode, ce sont les limites qu’impose le corps. Le processus de création est plus difficile que celui de la sculpture, mais je le trouve passionnant », assure le designer. Désormais, ses créations pour homme, ultraconceptuelles, séduisent toute la fashion sphère. Jusqu’au Guardian, qui assure qu’il « révolutionne la mode masculine ».

Publique ou privée, c’est bien souvent la nature de l’institution qui détermine le degré de liberté et/ou de légitimité d’une jeune carrière. « En créant le festival de Hyères, j’ai essayé de supprimer l’injustice du système de la mode où, si tu n’es pas fils de, tu as peu de chance de pouvoir travailler », insiste Jean-Pierre Blanc, son directeur.
« C’est la liberté dans le choix des artistes et des programmations qui fait le festival. »
Parce qu’au final, le talent n’a pas de prix.

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Antonin Tron, Altein.

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