Les savons de Claire Castillon

Que se passe t-il avec merci ?

Il y a ceux qui font les choses, soumis, victimes et tronche en biais, juste pour le plaisir d’en recevoir un, et là d’accord, ce n’est pas terrible et puis surtout ça sent l’effort. Il y a ceux qui ne les cherchent pas mais aiment en croiser sur leur route. En tout cas, on ressent une quête autour de ce mot doux et fort. Merci. En vrai, il y a un problème avec ce mot qui reconnaît, valide, admet. Est-il devenu trop sincère ? A-t-on peur qu’il se retourne contre nous, envers notre élan, dans le sens inverse de notre voie ? Quel est le problème avec merci ? Oui, pourquoi aussi peu de monde sait dire merci naturellement ?

Souvent, quand j’offre un de mes livres, on me dit : « OK ! Je le lis et je te dis. » Parfois, on ajoute (plus tard en effet) : « J’ai moins aimé celui-là, tu vois. » Mais je m’en fous ! Aurait-on l’idée de faire pareil avec une boîte de chocolats ? Remercierait-on seulement après les avoir goûtés et surtout à condition de ne pas les avoir trouvé trop mauvais ? Dirait-on : « Mouais, j’ai bien aimé les carrés et les palets, mais pas trop les dômes » ? Il y a quand même un mot réflexe que l’on apprend quand on est petit, qui tient en deux syllabes et qui n’est rien à dire. Est-il trop à penser, à peser ? Merci se dit tout le temps. Quand on vous aide, quand on vous donne, quand on vous prête, quand on vous passe, et même quand vous ne demandez rien. Il y a des mercis plus profonds que d’autres, il y a le merci automatique ou le merci ému, plein d’emphase, il y a des mercis vraiment jolis qui ressemblent parfois à pardon, mais le problème c’est ce blanc, ce trou, ce silence qui s’installe parfois quand on l’attend et qu’il ne vient pas.

« Tu peux me passer de la crème dans le dos ? », direz-vous sans doute à quelqu’un, un ami, un enfant, une femme. Il ou elle le fera, peut-être avec du sable, peut-être sans ardeur, puis viendra le temps de dire merci. Service rendu. Même s’il fait trop chaud pour parler. Merci de me tendre ma serviette. Merci de me vendre des tomates fraîches. Merci de ne pas me rouler dessus quand je prends mon temps pour traverser avec mes tongs mal enfilées. Il faudrait reprendre le réflexe. Je pense qu’il n’est pas détestable. Merci est une façon de parler. A présent, il faut le croire, le penser, le dénicher dans le bon coin de son cœur pour qu’il sente la vérité et non le dressage forcé. Il y a tellement de monde qui cherche juste un merci. On ne vous demandera rien en retour. Vous recevrez peut-être même un Pas de quoi pour bien vous prouver que le merci n’était pas une monnaie d’échange. à-t-on peur qu’il nous rabaisse, qu’il nous dégrade, qu’il nous affaisse ? Croit-on que l’on va perdre de l’avance ? Croit-on que l’on va perdre des degrés d’inclinaison ou de grandeur ?

Dire merci, c’est être reconnaissant, c’est donc aussi reconnaître l’autre comme absolument autre et ayant une importance dans sa vie. C’est lui reconnaître une existence singulière pour soi, lui signifier qu’il existe, que même sans le connaître, on le reconnaît, qu’il est digne d’être, d’être pour soi, d’être humain, d’être absolument. Il ne faudrait pas pousser beaucoup pour dire que c’est comme reconnaître un enfant, c’est-à-dire lui donner réellement la vie dans la communauté humaine. Je reconnais à l’autre son existence en le remerciant. Point. La gratitude a donc à voir avec la garantie. En disant merci, je garantis à l’autre qu’il existe, et qu’il est digne d’être humain. Et puis merci, c’est un ressort, ça pourrait relancer les Pardon, les Je t’aime, c’est comme un Allez ou un saut. C’est comme plonger. Dire merci, ça permet aussi de sortir la tête de l’eau.

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