Les Morozov investissent la Fondation Vuitton

Inaugurée le 22 septembre 2021 par Emmanuel Macron, l’exposition dédiée à la collection Morozov investit la Fondation Vuitton pour cinq mois. Infrarouge fait le point sur ce premier voyage hors de Russie depuis la création du fonds au début du XXe siècle.

Raphaël Turcat

Mikhaïl, c’est l’ainé, Ivan, le cadet. Ils sont russes, issus d’une dynastie industrielle qui les a mis très tôt à l’abri du besoin. Mais loin d’être des oisifs contemplatifs, quand ils reprennent le business familial à la mort de leur père, ils le font fructifier jusqu’à le multiplier par trois. Beaucoup de sous qui vont permettre à la fratrie de constituer une collection d’œuvres d’art hors du commun.

Ironie de l’histoire, le duo va se lancer dans une « course à l’armement » avec son compatriote Sergueï Chtchoukine ; qui n’est pas sans rappeler le duel à fleurets mouchetés, des décennies plus tard, entre les Français François Pinault (la Bourse de commerce) et Bernard Arnault.

Concernant la collection Morozov, avantage au second puisque c’est dans son écrin de la Fondation Vuitton que les chefs d’œuvre en question sont dévoilés au public : Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Renoir, Monet, Bonnard, Denis, Matisse, Derain et Picasso aux côtés d’artistes emblématiques de l’avant-garde russe tels que Vroubel, Malevitch, Répine, Larionov, Sérov… Excusez du peu.

Une première sortie hors Russie pour la collection Morozov à la Fondation Vuitton

Nous sommes au début du XXe siècle. Chtchoukine a 25 ans de plus que les Morozov (nés en 1870 et 1871) et fait preuve d’une fougue sans pareil pour des achats parfois risqués. Mikhaïl disparaissant prématurément, la stratégie de son frère s’avère plus prudente. Il a alors 30 ans et des poussières et il avance doucement ses pions pour aménager l’hôtel particulier qu’il vient de remodeler. Quelques tableaux de jeunes peintres russes viennent ainsi orner ses murs.

Puis, s’enhardissant, Ivan va lorgner vers la France post-impressionniste. L’Acrobate et la Petite Équilibriste de la période bleue de Picasso (13 000 francs en 1912) ; des paysages de la Montagne Sainte-Victoire de Cézanne ; Café de nuit à Arles de Van Gogh… Suivent des toiles impressionnantes comme La Rêverie, portrait de Jeanne Samary de Renoir ; Boulevard des Capucines de Monet ; La Gelée à Louveciennes de Sisley…

L’histoire va mal se terminer. Les bolchéviques, arrivés au pouvoir en 1917, confisquent la collection, nationalisent l’hôtel particulier et en font le premier musée d’art moderne du monde. Ivan, lui, émigre comme nombre de ses compatriotes avant de s’éteindre en 1921. Cent ans plus tard, c’est la première fois que cette collection hors norme sort de Russie. Une occasion en or pour aller se promener dans le vaisseau de Franck Gehry au bois de Boulogne.

La Collection Morozov – Icônes de l’art moderne. Fondation Louis Vuitton. Jusqu’au 2 février 2022. 8 avenue du Mahatma-Gandhi, bois de Boulogne, 75116 Paris.

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