Stanley Weber

Il a davantage tourné outre-Manche pour être suffisament connu du public français. Il aura trente ans cette année, fuit les rôles de beaux gosses, privilégiant la profondeur, et a beaucoup à donner. Parions qu’il aura vite l’occasion d’exploiter son talent, comme dans L’Origine de la violence, récemment sur les écrans.

Aude Bernard-Treille

Cinq traits de caractère qui vous définissent bien ?

Maladroit, naïf, grande gueule, entier, timide.

Avec qui vous a-t-on déjà confondu ?
Jamais confondu, mais plutôt comparé. Avec Ray Liotta et Daniel Day-Lewis. Même si j’ai l’impression que cela fait un peu prétentieux de dire ça…

Dans L’Origine de la violence, vous jouez un homme hanté sans le savoir par un secret de famille. Qu’est-ce qui vous a plu dans le scénario ?
Au départ, je m’étais engagé sur le rôle de César Chouraqui et Nicolas Duvauchelle devait jouer mon personnage. J’avais lu le livre à l’époque. J’ai rencontré l’auteur, Fabrice Humbert, dans son lycée pour avoir davantage de détails sur ce récit autobiographique. Son avis m’importait, je voulais connaître sa version du scénario. Il a aussi travaillé avec Elie Chouraqui, il passait sur le plateau, ce qui montre que le film est assez fidèle à son histoire.

Dans les rapports père-fils présentés, le père veut occulter le passé pour protéger son fils, alors que la demande de vérité de ce dernier est une question de survie. Comment avez-vous abordé ces sentiments ?
Curieusement, ce projet est arrivé à un âge où j’ai commencé à parler avec ma grand-mère de cette période, de sa génération… Tous ont des histoires différentes sur leur vécu pendant la guerre. Tout cela a nourri mon jeu. Je me suis posé des questions sur ma famille et quand j’ai su que certains avaient été résistants, je fus comme soulagé et fier, bien que je n’y sois pour rien finalement. J’ai donc eu cette curiosité qui s’est transformée en obsession absolue pour le rôle.

Comment pourriez-vous décrire votre relation avec votre propre père (Stanley est le fils de Jacques Weber, NDLR) ?
Une relation simple. On est à la fois très pudiques et très complices.

Elie Chouraqui a senti chez vous une fragilité qui correspondait bien au personnage de Nathan. Diriez-vous comme lui que votre lien fut comme une évidence ?
Plutôt que « fragilité », je dirais que j’ai cette même sensibilité ou nervosité assez naturelle. Cela se retrouve dans le personnage de Nathan, qui a une tension en filigrane durant tout le film. Ensuite, on n’a pas toujours une partie de soi dans les personnages que l’on interprète. En Irlande, j’ai joué un moine cistercien au XIIIe siècle et il n’y avait pas beaucoup de points communs avec moi… On n’est jamais autant soi-même que lorsqu’on a un personnage bien dessiné au-dessus de soi. C’est le principe du masque au théâtre. Ce que l’acteur dégage devient plus limpide et évident.

Quand vous étiez plus jeune, aviez-vous envie de suivre les pas de votre père ?
Au départ, je voulais être gérant d’un McDo car j’adorais les burgers, agent secret, puis rugbyman professionnel. J’ai eu le déclic en voyant Cyrano de Bergerac mis en scène par mon père avec Xavier Gallais, Marina Hands, Loïc Corbery. Ils sortaient tous du Conservatoire et en sortant de l’école, je les rejoignais à leurs répétitions, j’avais quatorze ans. J’adorais cette ambiance. Ils avaient entre vingt et vingt-cinq ans, répétaient de 13 heures à 22 heures, cela avait l’air tellement sympa, ils se marraient… Ensuite, ils se concentraient tous. Je me suis dit que c’était un beau métier. Quatre ans plus tard, je me suis inscrit au cours Florent.

Etiez-vous attendu au tournant ?
Je savais dans quoi je m’embarquais, mon père m’avait donné un seul conseil : m’inscrire à l’école. Je pense qu’il a été rassuré le jour où, au bout de trois ou quatre ans, il est enfin venu me voir pour le spectacle que j’avais mis en scène, L’Epouvantail de Jerry Schatzberg. Je ne voulais pas non plus qu’il vienne, afin de ne pas gêner les autres. Quand Jacques Weber débarque, ça peut être délicat pour tout le monde. Avant de parler de talent et de technique, il a vu que j’étais réellement passionné.

Diriez-vous que votre passage en Angleterre vous a apporté un plus ?
Je suis parti à la London Academy of Music and Dramatic Art sur les conseils de Marina Hands, qui était passée par là. Elle m’avait expliqué cette différence impressionnante entre l’école française et celle de Londres, où il y a davantage de rigueur et de professionnalisme, de ponctualité… C’est un peu dommage pour le naturel français, mais à l’école on a besoin de cette exigence. J’y ai appris à focaliser mon ego entre « Action » et « Coupez » et pas ailleurs. On y apprend l’humilité, contrairement à une certaine arrogance française.

Quel est le compliment qui vous dérange ?

« T’es trop beau ! »

Et celui que vous ne démentez pas ?
« T’es gentil. »

À qui « voleriez-vous » un brin de talent ?
À Loïc Corbery pour son humilité dans tout ce qu’il fait.

Confiez-nous un paradoxe qui vous concerne.
Mon rejet de la mondanité parce que j’aurais peur de me complaire dans le succès. Je ne suis pas plus malin que les autres. J’ai toujours travaillé sur différents territoires et cela me tranquillise avec ce qui peut se dire et faire en France. J’ai davantage travaillé en Angleterre, mais quand on est invité partout, on comprend que le succès n’est pas synonyme de bonheur. L’important, c’est d’avoir une vie privée solide et bien remplie et côtoyer des amis qui n’appartiennent pas à ce milieu. Je peux d’ailleurs bosser dans un café pour aider un ami quand j’ai un trou, car ce contact avec la vie réelle est essentiel. Tellement loin de la soirée dans un hôtel particulier de telle grande marque… Ou comme ceux qui tombent dans la drogue parce qu’ils s’embêtent profondément entre deux tournages. C’est la vérité. Donc, mon paradoxe est que je pourrais me complaire dans le rôle du misanthrope alcoolique qui traîne dans ces soirées avec une bouteille de whisky à la main, mais ce n’est pas moi.

Vos projets ?
Aux Etats-Unis, avec des séries. Je n’ai fermé aucune porte en France mais je constate qu’il n’y a pas forcément beaucoup de rôles pour moi ici. Je reçois beaucoup plus de castings des Etats-Unis ou d’Angleterre. Et puis je suis assez proche de la compagnie des Petits Champs, avec laquelle je fais la tournée des Noces de sang de García Lorca. C’est mon havre de paix de théâtre français, avec lequel j’adore travailler.

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