Van Cleef & Arpels, un labyrinthe végétal à l’hôtel d’Evreux

Depuis le 10 septembre, Van Cleef est à fleur de peau : l’exposition immersive à l’hôtel d’Evreux mêle avec grâce les créations du joailler et le travail de la photographe japonaise Mika Ninagawa. Une promenade onirique aux mille feux et mille fleurs que détaille Nicolas Bos, président de Van Cleef & Arpels.

Judith Spinoza

L’an passé, Van Cleef & Arpels a investi le Muséum national d’Histoire naturelle pour exposer ses créations naturalistes les plus légendaires. Ce 10 septembre 2021, vous organisez une exposition immersive Florae, en hommage aux fleurs, conçue en collaboration avec la photographe japonaise Mika Ninagawa. Pourquoi ce choix « collaboratif » ?

Depuis quelques années, nous réfléchissons à un projet dédié aux fleurs représentées par la maison. Il ne s’agit pas ici de mettre en lumière une collection précise, mais une sélection reflétant la richesse et la diversité de cette inspiration florale. Nous avons rencontré Mika Ninagawa en 2017 à l’occasion d’un projet initié par nos équipes japonaises et avons décidé de travailler ensemble sur ce qui est devenu Florae.

La maison aime régulièrement mettre en perspective ses créations joaillières et horlogères avec le travail d’artistes inspirés par les mêmes univers…

En 2016, nous avons entamé une collaboration avec Robert Wilson autour de notre collection L’Arche de Noé racontée par Van Cleef & Arpels. En 2019, la collection Romeo & Juliet s’est accompagnée d’un dialogue des disciplines : avec l’œuvre de William Shakespeare pour l’inspiration littéraire, avec Benjamin Millepied pour l’art chorégraphique et avec Lorenzo Mattotti pour la scénographie. Cette approche collaborative et cette manière de présenter nos créations au public deviennent une sorte de tradition pour nos équipes.

Conçue comme un dialogue, l’exposition Florae mêle bijoux et photographie. Comment avez-vous sélectionné les pièces ? En amont, ou à l’inverse, selon les clichés de Mika Ninagawa ?

Mika Ninagawa nous a proposé d’intégrer certaines créations joaillières dans ses photographies, mais aussi de créer un environnement unique et immersif permettant de présenter d’autres pièces, sélectionnées dans un second temps. Dans cette sélection, figurent des bijoux d’inspiration naturaliste, les bouquets imaginés par Van Cleef & Arpels, mais aussi des pièces plus stylisées. Ces créations et les images de Mika Ninagawa dialoguent de façon très naturelle car elles partent d’une même intention : capturer la beauté éphémère et fragile d’une fleur.

Vous avez dit : « La poésie, tout comme la nature, la danse ou l’art de manière plus générale sont des sources d’inspiration inépuisables. Van Cleef & Arpels se lance un propre défi pour se réinventer à chaque collection. » Cette exposition est elle aussi une façon de se réinventer ? D’inventer plutôt ?

La recherche créative et l’innovation sont au cœur de l’identité de la maison depuis sa fondation en 1906. Les fleurs joaillières éclosent dans notre jardin imaginaire depuis plus de cent ans. Plutôt qu’une approche rétrospective, l’exposition propose une balade immersive au cœur de l’esthétique florale vue par Van Cleef & Arpels. Avec ce parcours, nous voulions faire découvrir comment les sources d’inspiration et les techniques ont façonné la création et évolué ; depuis l’origine de la maison jusqu’à nos jours.

Pourquoi vous a-t-il paru essentiel de (re)mettre l’accent sur le côté immersif ?

Beaucoup d’artistes ont travaillé autour des fleurs. Ils cherchent à en capturer le détail, les couleurs, le mouvement, s’intéressant aux fleurs comme nous le faisons en tant que joaillier. Ce qui est particulier dans le travail de Mika Ninagawa, c’est son approche immersive. Elle travaille sur les fleurs, mais ne s’attache pas à un détail, elle crée un univers ; des images qui nous font plonger au cœur de la nature grâce à des jeux de gros plans ; de plans très serrés et de couleurs saturées qui donnent un aspect plus vif, plus énergique. Elle met en perspective ces images dans un environnement immersif qui nous englobe physiquement.

C’est donc un parcours « physique » ?

Mika Ninagawa nous a conseillé de travailler avec un architecte, Tsuyoshi Tane. Ensemble, ils ont réalisé un labyrinthe végétal accueillant ; dans lequel on perd assez vite la notion des échelles et des distances. On découvre alternativement photographies et bijoux, on voit se répondre les pierres précieuses et les images de pétales. Tout cela crée une expérience assez magique.

Au-delà du thème floral qui vous unit, pourquoi avoir précisément choisi Mika Ninagawa, une photographe ? Vous auriez pu opter pour choisir un artiste digital…

Les collaborations que nous initions se font au gré des rencontres et des opportunités qui se créent ; parfois au gré du hasard. Nous avons rencontré Mika en 2017, à l’occasion d’une présentation au Japon autour de la Nature Enchantée. Elle a réalisé des clichés mettant en scène les fleurs en lien avec ce thème. Ayant vu plusieurs de ses projets et de ses expositions, nous avons pensé avec l’équipe qu’elle pouvait apporter un contre-point intéressant à notre perspective de joaillier. Nous avons partagé de façon assez libre avec Mika nos dessins de bijoux, nos photographies de pièces, pour qu’elle puisse comprendre comment nous travaillons ce thème floral et qu’elle propose sa vision en retour.

Comment s’est articulée son approche ?

Autour de deux réponses. La première : intégrer certains bijoux dans ses photographies. Fleurs joaillières et fleurs naturelles se répondent et s’associent dans ces images colorées et saturées. La deuxième apporte un environnement dans lequel les visiteurs peuvent découvrir des photographies et des bijoux.

Indépendamment de Florae, vous avez déjà travaillé avec de nombreux artistes digitaux…

En effet, dans le cadre de la collection Perlée et de son univers à la fois ludique et graphique. Au fil des années, nous avons collaboré avec Santi Zoraidez, Anaëlle Moreau ; et avons même tenté l’exercice avec des artistes dont l’univers est « physique » et immersif tels qu’Alexandre Benjamin Navet. En 2021, la maison a fait appel à plusieurs artistes et graphistes spécialisés dans l’animation 3D. Arthur Hoffner, Clément Chia et Friedrich Neumann, choisis pour leur grande créativité, ont réinterprété les courbes des créations Perlée dans une série de visuels et de courtes vidéos d’une grande légèreté.

Van Cleef & Arpels est la première maison joaillière à s’être installée au Japon en 1974. Choisir une artiste japonaise est aussi une façon d’évoquer ce lien et ce goût pour la nature ?

Depuis l’installation de la maison au Japon, nous y avons organisé plusieurs manifestations, dont une exposition patrimoniale à Kyoto en 2017 qui mettait en parallèle les créations joaillères de Van Cleef & Arpels et le savoir-faire traditionnel japonais. Nous continuerons d’être actifs dans cette région au gré des occasions qui se présenteront.

Certain pays ou régions sont-elles plus sensibles que d’autres à l’héritage naturaliste de Van Cleef & Arpels ?

Nous considérons les motifs floraux comme universels et intemporels. Ces inspirations, ainsi que les créations joaillières qui en découlent, peuvent émerveiller partout dans le monde.

Pouvez-vous, justement, rappeler cet héritage historique, qui fait de Van Cleef & Arpels une signature unique ?

La nature inspire la maison depuis sa fondation. Les motifs floraux, très divers, ont donné naissance à des tableaux délicats en deux dimensions dans les années 1910 et 1920, avant de gagner en volume dans les années 1930 à 1970 ; avec la volonté perpétuelle de représenter la poésie et la vitalité de la nature. Les années 1980 et 1990 ont marqué un certain retour à des dessins de fleurs stylisées et graphiques. Enfin, les créations d’aujourd’hui représentent une variété de formes et de motifs ; que ce soit dans la Haute Joaillerie, la joaillerie ou l’horlogerie.

Du clip Pivoine (1937) à la première broche Trèfle des années 60 jusqu’à la collection Alhambra créée en 1968, devenue l’une des icônes joaillière de la griffe, quels sont les autres exemples de créations spectaculaires autour des fleurs et des végétaux ?

On peut mentionner le bracelet aux Roses Rouges et Blanches de 1925 ; qui avait obtenu le Grand Prix à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Ou encore, une pièce contemporaine, la montre de Haute Joaillerie Dahlia secret ; dotée d’une volumineuse corolle en or rose et pierres de couleur et d’un système d’articulation astucieux qui imite le frémissement des pétales sous la brise. Enfin, une pièce majeure parmi celles qui ne sont pas présentées dans le cadre de Florae est le clip transformable Italian Rose de la collection de Haute Joaillerie Romeo & Juliet (2019). Il rend hommage à la destinée des jeunes amants et à leur passion éternelle.

Chez Van Cleef & Arpels, la virtuosité technique ne se fait jamais au détriment de la virtuosité artistique ni de la poésie. Quelle serait LA pièce de l’exposition qui l’exprime le mieux ?

Le clip Fleur Silhouette, de 1937, met en avant l’esthétique plus abstraite déployée par la Maison ; à la croisée des univers de la couture et de la nature. Typique des années 1930, cette pièce représente à la fois un nœud et une fleur esquissés par un fil d’or jaune et un centre de rubis et de diamants. En mêlant les influences, il témoigne du goût de Van Cleef & Arpels pour une flore toujours en mouvement.


Florae, jusqu’au 14 novembre 2021 à l’hôtel d’Évreux, 19 place Vendôme, 75001 Paris. vancleefarpels.com

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