En Bourgogne, ce sera l’un des grands crus de l’année. Depuis le début du mois de juin, des vélos sortent de l’une des usines françaises historiques du groupe d’électroménager Seb, située dans la commune d’Is-sur-Tille, en Côte-d’Or. Des vélos pas comme les autres. Baptisés « Angell », ils ont été conçus par l’équipe du serial entrepreneur Marc Simoncini. Le créateur de Meetic, du site de jeu en ligne Winamax et des lunettes bon marché Sensee, lance un vélo électrique intelligent qui devrait, selon son concepteur, être l’iPhone du secteur. Design de rupture conçu par le Marseillais Ora-ïto, batterie amovible permettant de parcourir 70 kilomètres rechargeable en deux heures, logiciel innovant pour optimiser les performances et rendre le vol du vélo impossible… il a fallu trois ans pour imaginer cet engin facturé 2 690 euros. Certes, Angell est plus cher que des vélos premier prix « made in China », mais moins que le haut de gamme allemand vendu entre 4 000 et 5 000 euros l’unité. Marc Simoncini défend son tarif avec de solides arguments : il propose un financement mensuel sur trois ans à 74,90 euros. « C’est à peu près le prix d’un passe Navigo cinq zones », observe-t-il.
Une histoire de famille
L’histoire a débuté lors d’un échange en famille. « Toutes mes boîtes partent toujours d’une remarque que l’on me fait », raconte le chef d’entreprise. « Quand il avait 16 ans, mon fils m’a demandé un scooter. Je lui ai répondu que c’était trop dangereux et qu’il aurait une voiture à 18 ans. Il m’a rétorqué : “Mais je ne veux pas de voiture !” Cela m’a fait réfléchir : j’ai regardé ce qui se passait dans les villes et je me suis aperçu que l’on arrivait au bout d’un système : la moitié de la surface est dédiée aux automobiles, seulement 10 % de la population les utilisent et on roule en moyenne à 14 kilomètres à l’heure. On passe la semaine dans les bouchons. »
L’entrepreneur anticipe que les nouvelles mobilités vont émerger rapidement. C’est l’une des seules façons de lutter contre la pollution. « On a fait le pari que les centres-villes allaient être complètement modifiés et que les voitures thermiques allaient progressivement en être chassées », explique Simoncini. « On s’est dit qu’il fallait proposer une alternative de qualité aux gens qui pourraient abandonner leurs véhicules. C’était le vélo, et notamment le vélo électrique, car on ne peut pas arriver en sueur au bureau. » Il commence alors l’étude du marché mondial et identifie deux problèmes. « Les vélos existants étaient dangereux et se volaient facilement. De surcroît, ils n’étaient pas beaux. »
Made in France
Le projet est présenté le 19 novembre 2019. L’objectif est de prendre les premières commandes et de programmer dans la foulée la fabrication de 1 500 vélos
dans un petit atelier créé à cet effet. Mais deux événements majeurs vont changer la donne. « On a subi tour à tour les gilets jaunes et les grèves contre la réforme des retraites », rappelle l’entrepreneur. « Du coup, on a vu de plus en plus de gens se tourner vers le vélo électrique. Et on s’est rendu compte qu’on allait devoir produire plutôt 10 000 vélos. On ne sait pas faire un tel volume, car nous ne sommes pas industriels. » Un déjeuner avec le président de Seb, Thierry de la Tour d’Artaise, va lui sauver la mise. Les deux hommes ne se connaissent pas, mais, très vite, ils constatent que leurs intérêts convergent. Le géant du petit électroménager est un fervent défenseur du « made in France » et cherche à étoffer son activité. Le président du groupe familial lyonnais raconte : « Notre métier, c’est d’embellir et de simplifier la vie quotidienne des gens et de les accompagner dans les évolutions de leur mode de vie. La mobilité entre tout à fait dans ce cadre. En outre, Marc souhaitait fabriquer en France. En la matière, nous sommes le dernier des Mohicans, car nous avons sauvegardé onze sites industriels dans le pays. » La production des vélos Angell, dont une version plus petite destinée notamment aux femmes est annoncée, a donc débuté dans l’usine proche de Dijon, réputée pour concevoir un best-seller mondial de Seb : les friteuses sans huile. Les premières livraisons interviendront courant juillet. Le drôle d’engin de Marc Simoncini se prépare à sillonner nos villes.