La reine des Hébrides, petit bout de terre au large de la côte occidentale de l’Écosse, est le paradis des phoques qui paressent sur le moindre rocher, des oies sauvages qui viennent y prendre leurs quartiers d’hiver, des vaches à longues cornes (Highland Cattle) et des moutons à tête noire (Blackface) qui y paissent librement entre les falaises, les plages de sable blanc aux eaux cristallines et les prairies verdoyantes, météo écossaise oblige.
Mais l’île d’Islay (prononcez « aïe-là ») s’est aussi imposée depuis des lustres comme la terre promise des « peat freaks », ces passionnés de whisky tourbé prêts à faire le pied de grue pendant des heures devant les distilleries lors du Fèis Ìle, le festival local du printemps, pour décrocher le Graal : une rare édition limitée.
Initiation au « ppm »
Inutile d’essayer de faire un saut sur l’île pour un week-end, vous risqueriez de manquer une correspondance à Glasgow tant les vols sont aléatoires, à l’instar de la météo. Mieux vaut prévoir quelques jours pour découvrir cette mosaïque de champs de tourbe brune sillonnés de murets en pierre et ponctués d’ajoncs ou de jonquilles au printemps, de tapis de bruyère rose à la fin de l’été.
L’île compte à ce jour neuf distilleries, bientôt onze, connues pour leur single malt au goût de fumé plus ou moins prononcé – seule Bruichladdich élabore un malt non tourbé. Il se mesure en quantité de phénols en parties par million (ppm), un terme quelque peu barbare, mais qui sert d’indicateur pour informer votre palais du niveau de tourbe auquel il va être confronté. Parmi les plus puissants : Octomore, Port Charlotte, Laphroaig, Lagavulin, Caol Ila, Ardbeg.
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La plupart des distilleries ne disposent plus de malterie en activité, hormis pour permettre aux visiteurs de s’adonner aux selfies ou aux essais de ratissage. Elles achètent leur malt à l’usine géante de Port Ellen ou dans les autres malteries écossaises. Le brassage de l’orge en fermentation est désormais confié à des machines qui se sont révélées plus efficientes que les hommes, même bien musclés. Toutefois, Bruichladdich, Kilchoman, Laphroaig, Bowmore maltent encore une partie de leur orge, de préférence d’origine locale pour les deux premières.
Uisce beatha
Kilchoman, la ferme-distillerie fondée en 2005 par Anthony Wills, pratique une production intégrée, « from barley to bottle », avec même une référence 100 % Islay élaborée à partir de l’orge de la ferme. Cernée par les champs de céréales, c’est la seule qui n’est pas située en bord de mer.
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Les autres distilleries bordent les côtes, à pas moins de 200 kilomètres. Bowmore, la plus vieille de l’île et d’Écosse après Glenturret, est aussi la première à avoir obtenu une licence en 1779, renonçant ainsi à son statut clandestin puisque l’on distille dans l’île du « uisce beatha » – littéralement « eau de vie », le nom du whisky en vieil irlandais – depuis plus de 1 000 ans. Elle dispose même d’un chai sous le niveau de la mer, une particularité unique au monde. Laphroaig, le whisky d’Islay le plus vendu sur la planète, appartient comme Bowmore au groupe japonais Suntory.
Sa distillerie s’enorgueillit des plus beaux alambics de l’île, les « Magnificent Seven » (référence au groupe punk rock The Clash) d’où sortent les embouteillages à façon pour le roi Charles III et de nombreuses éditions limitées qui affolent les papilles des collectionneurs. Et si vous n’avez pas le kilt assez bien accroché pour faire le tour de toutes les distilleries, il suffit de faire une halte au whisky-bar Lucci’s de Bowmore pour vous offrir une gorgée de ces précieux nectars. Sa carte affiche des centaines de références, même les plus rares.
Photo de Une : Odd Wellies
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