Osons un parallèle entre l’écologie et la pornographie. Quelques semaines après les flonflons de la Marche pour le climat, tout le monde oubliera ses bonnes résolutions pour sauter dans le premier avion et rejoindre le lieu de ses sacro-saintes vacances. Une attitude que l’on pourrait résumer par ce slogan : « Vacances, j’oublie tout… surtout mon bilan carbone ! »
Pour le porno, c’est à peu près la même chose. À l’heure où les hashtags #metoo #balancetonporc #meufisme s’empilent comme des corps dans une partie fine, il serait logique d’annoncer une évidence : le X ne passera plus par moi. Finies les virées en loucedé sur YouPorn, Xvideos ou Xnxx à taper les mots-clés « teen lesbian » ou « MILF » (les deux plus recherchés sur le Net) ou – plus exotiques – « sleeping », « rimjob », « forced gangbang », le tout maté avec le pouce et le majeur sur les touches « Command » et « W » de son ordi pour fermer en un éclair l’objet du délit en cas d’apparition soudaine d’une tierce personne (un collègue, sa mère, sa femme, ses enfants) en plein effort de Gina Gerson, Christy Mack, Madison Ivy ou la « senior » Brandi Love (44 ans au compteur).
Le problème – il y en a un, c’est tout l’objet de cette rubrique –, c’est que si nos envies sont plus ou moins contrôlables, le porno, lui, est une hydre qui vous enlace et ne vous lâche plus. Dans un univers où l’ensemble des sites X créent plus de trafic que Netflix, Twitter et Amazon réunis, il faut en enfiler des perles pour remplir les tubes : il y a les super prod’ « léchées » (Tushy* ou Vixen* du Français Greg Lansky), le cinéma borderline (Rapesection*), le cinéma pour les minorités (le très gay Men.com*), le cinéma d’horreur (Pain Gate*), le cinéma vintage (tapez « Alban Ceray » ou « Brigitte Lahaie » dans le moteur de votre pure player X préféré), le cinéma Tinder (Hookup Hotshot*), le ciné d’auteur à la française (les célébrissimes Jacquie et Michel* ou La France à Poil*), le cinéma pour les femmes regardé par les hommes (Joymii*, propre comme une pub Apple), on en passe des vertes et des matures.
Comment résister à cette offre qui ferait passer l’intégrale de Game of Thrones pour un gentillet court-métrage ? Comment se priver de toutes ces catégories dont, par exemple, l’ésotérique « guyonshemale » prouve à quel point il nous reste à apprendre sur la sexualité ? Oui, dans cette jungle plus ou moins cradoque où la multiplication des genres crée une segmentation des fantasmes dans laquelle chacun choisit les mots-clés qui le préoccupent (« squirting + MMF + amateur »), que faire, comme dirait Léon Trotski (rien à voir avec un acteur X russe) ?
Les options sont multiples : se nourrir des travaux du Dr Matthew Christman du Naval Medical Center San Diego, affirmant que, selon son étude effectuée sur 320 hommes regardant entre trois et cinq fois par semaine des films de cul, beaucoup connaissaient des troubles érectiles ; lire les témoignages tétanisants d’actrices de X, entre scènes hardcore pas prévues au programme et autres prises de calmants pour taire la douleur ; ou rejoindre le mouvement « NoFap » qui prône la reprise en main de sa vie en se privant de sa dose quotidienne de porno.
Derrière toutes ces louables initiatives s’en cache une autre, énoncée par Annie Sprinkle et qui prend tout son sens dans ce numéro d’Infrarouge : l’écosexualité. Sur le site sexology.org, cette ex-actrice porno et sa compagne Beth Stephens annoncent : « La Terre est notre amante. Nous enlaçons sans honte les arbres, massons la Terre avec nos pieds et parlons aux plantes érotiquement. » Le but ? Établir un lien sensuel entre l’homme et la planète tout en réenchantant notre rapport à la sexualité. Lorsque l’on sait que la pollution engendrée par une heure de navigation sur Internet équivaut à onze kilomètres effectués en voiture, n’est-il pas temps de laisser tomber pour une fois Pornhub et d’aller offrir un bon « cumshot » à un parterre de pivoines ?
* Liste non exhaustive.