Terminés la ciboulette et le basilic en barquette ! Dans ce magasin Carrefour Market de Tourcoing (Nord), les aromates poussent directement au sein du rayon fruits et légumes. Ou, plus précisément, dans une microferme verticale. Installées dans une armoire vitrée de trois étages, les plantes sont ainsi directement récoltées – à la racine – par les clients.
À la maison, un peu d’eau suffit à la conservation. Lancée en janvier 2022, la start-up TomoGrow a imaginé ce concept innovant dans l’objectif de proposer des produits sains et locaux tout en limitant le gaspillage. « 30 % des produits frais alimentaires sont détruits avant même d’arriver en magasin. Cela peut aller jusqu’à 70 % pour certaines enseignes », se désole Jérémie Delbart, cofondateur de la jeune pousse lilloise, avant de compléter : « Nous avons ainsi développé un principe de hub pouvant alimenter dix microfermes dans un rayon de dix kilomètres. » L’idée ? Transformer le vendeur en producteur.
Vendeur-producteur
TomoGrow fait germer ses graines issues d’un semencier français dans un conteneur. Les pousses sont Par Jeanne Simon ensuite conduites dans les microfermes installées en rayon où elles vont continuer de grandir grâce à un système breveté de culture en aéroponie. Pour le distributeur, une prise électrique suffit : la solution est autonome.
Connectée, la microferme – qui peut contenir jusqu’à 240 plants – permet de faire remonter les données de vente, les besoins en réapprovisionnement, de même que les économies d’énergie générées. « Les distributeurs équipés passent d’une marge de maximum 32 % à 67 % », assure Jérémie Delbart. Côté consommateur, le prix reste inchangé. Selon le type d’aromates, comptez 1,99 ou 2,99 euros, avec la garantie d’une production locale, fraîche, sans pesticide ni fertilisant…
Nouveaux modes de consommation
De deux microfermes actuellement, la start-up vise dix installations d’ici à fin septembre dans la métropole lilloise, et 300 d’ici à trois ans. Selon Jérémie Delbart, cette solution vient compléter l’offre en matière d’agriculture urbaine : les jardins partagés – comme la Cité Maraîchère à Romainville, Le Paysan Urbain à Marseille, la Microferme des États-Unis à Lyon, Le Tipi à Avignon… – qui permettent de créer du lien social. Ou encore les fermes verticales géantes aux rendements intenses, telle Jungle à Château-Thierry, la plus grande de France qui fournit Monoprix, Intermarché, Grand Frais et Carrefour en aromates, principalement. « Car il y a un besoin de souveraineté française, de verdure et de lien social, avec de plus en plus de bouches à nourrir et de moins en moins de place au sol », constate le jeune entrepreneur.
Une chose est certaine : ces nouvelles solutions répondent à de nouveaux modes de consommation. En effet, d’après le dernier baromètre Interfel, interprofession des fruits et légumes frais, « en dépit de l’inflation, la saisonnalité et la provenance des produits restent les principaux critères déterminants lors de l’achat des fruits et légumes frais », à respectivement 66 % et 64 %.
Proximité et transparence
À l’angle de l’avenue de Versailles et de la rue Chardon-Lagache, dans le XVIe arrondissement de Paris, la boutique La Récolte ne désemplit pas. Fruits et légumes en cagettes, palettes au sol… le décor est volontairement brut, loin des grandes surfaces aseptisées. Ici, la transparence prime : derrière chaque produit, une étiquette indique le nom du producteur et sa spécificité.
À l’entrée, une cuisine opérée par un chef permet de préparer des plats réalisés à partir des produits vendus en magasin. La promesse est claire : traçabilité, saisonnalité, labellisation bio, zéro intermédiaire et juste prix. Les produits ne sont certes pas tous ultralocaux, mais, ici, naturalité et savoir-faire priment. Créée par Mathieu Mulliez en 2014, l’enseigne qui compte six magasins vise trois nouvelles ouvertures cette année.
Le panier-repas naturel
Qu’ils s’appellent La Récolte, Au Bout du Champ ou Mes Voisins Producteurs, les concepts de circuits courts lancés il y a une dizaine d’années continuent de fleurir. « Car les consommateurs sont aujourd’hui dans une attente de naturalité, d’écologie et d’incarnation », constate l’expert Xavier Terlet, à la tête de ProtéinesXTC. Et c’est sans compter les offres sur abonnement ! Foodette, Quitoque, HelloFresh, Les Commis… Les sites de livraison de panier-repas éclosent. Parmi les plus récents ? Tomato & Co. Initialement destinée aux restaurateurs avec un principe de potager alloué, la start-up a « pivoté » après le confinement en proposant une offre 100 % bio, dédiée aux particuliers.
« Notre point de différenciation repose sur deux aspects. D’abord, la possibilité de personnaliser sa commande en fonction de ses goûts et de ses restrictions alimentaires. Ensuite, le zéro déchet : nos produits sont livrés en vrac dans un joli panier avec une étiquette au nom du client – pas dans une cagette ou un sac en kraft qui va finir dans la poubelle jaune –, lequel panier sera échangé à la livraison suivante », assure Aude Machenaud, directrice générale.
Nouveaux virages
Ces concepts font des émules auprès des enseignes de la grande distribution. Preuve en est : le rachat en 2020 par Carrefour de l’e-commerçant de produits frais Potager City, suivi cette année par l’ouverture de trois boutiques parisiennes. Jusqu’alors distributeur de produits bio, l’enseigne Naturalia s’oriente quant à elle sur la notion de « santé et plaisir », avec une signature : « C’est bon de manger sain. »
Autre exemple : Intermarché. À l’entrée de ses magasins, sur les murs, photos de partenaires à l’appui, l’enseigne écrit son positionnement : « Nous travaillons avec une sélection de producteurs locaux dans un rayon maximal de 70 kilomètres. » Et parfois, cela se joue à moins de deux kilomètres… en plein Paris. Ainsi, de mi-mai à fin septembre, les produits de Nature Urbaine, la plus grande ferme urbaine perchée d’Europe située sur le toit de Paris Expo Porte de Versailles, se retrouvent sur les étals de l’Intermarché de la rue de Brancion, dans le XVe arrondissement de Paris.
Si d’aucuns y voient des coups marketing, Mike Hadjadj, fondateur d’iloveretail.fr et de La Retail Tech, reste optimiste : « Ce sont des pièces du puzzle. Progressivement, des filières vont s’organiser pour passer à l’échelle supérieure. » À vos paniers !
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Photo de Une : Nature Urbaine