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Odyssée gourmande à la montagne

Longtemps figée autour de la raclette et de la fondue, la cuisine de montagne se révèle plus contemporaine et affûtée grâce aux couteaux de chefs amoureux de leur région. Les plats se modernisent et s’allègent, mettant en avant la richesse gastronomique de la région.

Anne Debbasch

La Savoie et la Haute-Savoie regorgent d’une multitude de produits restés mal connus des skieurs, qui cèdent trop volontiers à l’appel de plats de fromages fondus ; certes savoureux, mais roboratifs.

Aujourd’hui, une poignée de chefs montagnards dans l’âme s’évertuent à partager leur patrimoine gastronomique riche avec, comme cheval de bataille, l’omble chevalier ; la féra – aussi appelée « lavaret » en fonction du lac dans lequel le poisson est pêché – ; la truite ou le brochet, mais aussi les cardons ; les myrtilles en saison ; les crozets et quelques biscuits traditionnels comme le gâteau de Savoie ou le bescoin.

Côté épices, le safran des montagnes ; le foin d’alpage ; le sureau ou encore le carvi sont autant de saveurs que l’on retrouve pour pimper des assiettes au dressage millimétré.

Entre tradition et modernité

Depuis une vingtaine d’années, dans son chalet baptisé Atmosphères qui domine le lac, Alain Perrillat-Mercerot réalise une cuisine en résonance avec les saisons. Son interprétation contemporaine du traditionnel gratin de cardons en est un exemple. Les légumes provenant de la coopérative du Tremblay sont cuits dans un bouillon léger à la moelle de bœuf. Ils sont servis avec un mélange de dés de moelle, de vieux beaufort et d’une émulsion du même fromage ; le tout accompagné en décembre de quelques lamelles d’une truffe locale cavée dans le massif préalpin.

De manière plus inattendue encore, il rejoue les saucisses de montagne dans une version moderne et élégante. « J’aime donner une autre vision des pormoniers, ces saucisses de porc proches des diots ; assaisonnés avec blettes, épinards et poireau que l’on mange généralement dans les potées. Je les découpe en fines lamelles pour en faire un millefeuille aux allures végétales, que je sers avec un filet de lavaret pêché dans le lac du Bourget. »

Les desserts ne sont pas en reste avec notamment le bescoin, cette brioche de fêtes anisée et safranée ; qu’il sert légèrement toastée avec des suprêmes de pamplemousse rose au safran de Savoie et un sorbet de pamplemousse au Campari. « En saison, j’aime aussi réaliser ma version de l’œuf à la neige. Je l’associe à un sorbet de tome blanche – ce fromage frais de reblochon – aux baies de genièvre que j’accompagne d’une compotée de myrtilles sauvages. »

Festival de goûts

Il n’est fort heureusement pas le seul à être inspiré par ces ingrédients. En montant dans les stations, on découvre de belles cartes dont les chalets s’inspirent aussi. Nicolas Sintes, aux Fermes de Marie, à Megève, met un point d’honneur à travailler les marqueurs de la montagne avec des créations inédites.

Son plat fétiche : la bouille des lacs alpins, un clin d’œil à la bouillabaisse de son enfance. « J’ai réinterprété la recette en version montagne avec des produits de la région. Je réalise le bouillon avec des écrevisses du lac. Pour les poissons, je choisis une pêche d’eau douce, généralement omble chevalier ; sandre ; féra ou truite, selon les arrivages. Le bouillon fumant est versé sur les poissons à table pour terminer leur cuisson. » Servi avec une rouille au safran des Alpes ; du fenouil ; des pommes de terre et des tranches de pain melba, le résultat est bluffant.

Le jeune chef s’amuse également à reproduire les goûts de la fondue dans une étonnante assiette de ravioles. « J’ai eu l’idée d’alléger la recette sans la dénaturer. Les ravioles sont garnies d’une crème assez coulante au beaufort d’alpage et au vin blanc d’Apremont, assaisonnée d’un peu d’ail et de poivre vert pour contrebalancer la richesse du fromage. Je les sers ensuite dans un bouillon léger au vin blanc, avec une garniture fraîche de saison. »

Cerise sur le gâteau, pour les fêtes, le caviar s’invite au menu ; associé à un reblochon fermier non affiné travaillé au siphon pour lui donner de la légèreté. Déposé sur quelques pommes de terre grenaille cuites au foin d’alpage pour pousser le côté montagne, l’accord audacieux accentue les notes de noisettes de l’osciètre et du fromage.

Recettes de terroir

Tout schuss, on file à Val-d’Isère pour un arrêt à La Fruitière où Jérôme Labrousse et Franck Mischler préparent une cuisine de pistes. Côté viande, les deux chefs imaginent une recette de bœuf-carotte originale, où la joue de bœuf est compotée dans du vin de mondeuse et du jus de myrtille. La traditionnelle croziflette, quant à elle, se fait crozetto parfumé au safran et à la crème des Alpes.

Si désormais de nombreux restaurants s’attachent à remettre au goût du jour les saveurs de leur terroir en dépassant les menus à base de fromages fondus, il faut désormais également compter sur des artisans comme Nicolas Chiron. L’ancien dirigeant d’Alpina décide de redonner vie au métier de pastier en créant en 2021 sa vermicellerie aux portes de Chambéry.

À trois, ils relancent ce savoir-faire oublié. Son crédo : utiliser la farine de blé ; les œufs et les herbes de la région. « Nos pâtes sont laminées à l’ancienne, au rouleau, puis mises en pousse pour laisser les arômes se développer ; avant d’être mises à sécher à basse température. »

Vraie gastronomie de montagne

On se régale de crozets au sarrasin, mais aussi de ceux assaisonnés avec un mélange d’herbes des montagnes – sarriette ; hysope et reine des prés – ou de crozets parfumés au safran, parfaits pour accompagner un filet de féra. On redécouvre aussi une forme de pâtes que seuls les Savoyards pure souche cuisinent encore, les taillerins ; notamment la version à la myrtille incorporée lors de la fabrication de la pâte. À faire vibrer les papilles avec un gibier !

Enfin, le nec plus ultra cet hiver sera de déguster sa fondue non pas avec du pain, mais avec une recette de pâte au petit lait de beaufort, les tafagnons. Après les avoir cuites à l’eau comme des pâtes, il convient de stopper la cuisson sous l’eau froide ; puis de les tremper dans le fromage en lieu et place du pain !

Pour se faire une idée de la gastronomie de montagne, véritable patrimoine de la région, les adresses ne manquent pas. Il suffit de chausser ses skis et partir à la rencontre des Savoyards.


Nos adresses favorites

Atmosphères (1 étoile et 1 étoile verte), 618 route des Tournelles, 73370 Le Bourget-du-Lac. atmospheres-hotel.com

Les Fermes de Marie, 163 chemin de la Riante-Colline, 74120 Megève. fermesdemarie.com

La Fruitière, La Folie Douce, 73150 Val-d’Isère. lafoliedouce.com

Le Tremplin, 108 rue du Rocher, 73120 Courchevel. tremplin-courchevel.com

L’Idéal 1850, 3363 route des Crêtes, 74170 Saint-Gervais-les-Bains. montdarbois.edmondderothschildheritage.com

La Table de Noémie, 447 chemin de la Rocaille, 74120 Megève.

Vermicellerie Chiron & Fils, 340 rue Émile Zola, 73490 La Ravoire. chironetfils.fr

Maison Bourdillat, boulangerie artisanale, 442 rue Joseph Vallot, 74400 Chamonix. maisonbourdillat.com


Photo de Une : Fred Durantet

Lire aussi : La gastronomie des sommets

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