À force de séduire et séduire encore, il fallait bien que Louis Garrel finisse un jour par interpréter un pur fantasme. Une sorte d’homme idéal qui, comme il se doit, jongle avec les antonymes : puissance et fragilité, délicatesse et virilité, évidence et mystère, on en passe… Le tout sans jamais donner l’impression d’obéir à une quelconque stratégie. Garrel ou le genre séducteur qui fait mine de ne pas s’en apercevoir. De quoi aimanter les filles, même si le genre les énerve. Et assurément de quoi exaspérer le mâle lambda, irrité par ce mec couvert de femmes dans ses films et dans sa vie (Valeria Bruni Tedeschi, Golshifteh Farahani, Laetitia Casta).
OBJET RÊVÉ
Mal de pierres, de Nicole Garcia. Un film dans lequel la cinéaste dirige l’acteur dans la peau délicate d’André Sauvage, qui traîne ses blessures et son vague à l’âme dans une clinique de la France des années cinquante. En ces lieux, Sauvage suscite la pâmoison d’une jeune femme, Gabrielle, agitée par une sensualité que les autres jugent « débordante ». Gabrielle brûle son esprit (et pas que) auprès de ce Sauvage qui est à la fois homme de chair et merveilleux objet rêvé. Si le personnage n’est peut-être pas celui qu’on croit, Louis Garrel, lui, maîtrise de toute évidence la gamme complète du séducteur : rebelle et dandy, intelligent et animal, érotique et cérébral, doux et dur. Avec ce soupçon de perversité qui laisse augurer de sulfureuses étreintes sous la couette. Ou dessus… Et ça marche !
EXQUISE DÉSINVOLTURE
Depuis une décennie, l’acteur séduit les spectatrices en promenant son exquise désinvolture dans les films les plus tendance de l’époque. Des films dans lesquels il fait tomber comme des mouches les héroïnes qui frôlent sa singulière personne. Les comédiennes se bousculent au portillon pour tomber : Eva Green dans Les Innocents, de Bernardo Bertolucci, Ludivine Sagnier et Clotilde Hesme dans Les Chansons d’amour, de Christophe Honoré, Marion Cotillard dans Mal de pierres.
SURPRENDRE, C’EST PLAIRE
filmographie 100 % auteuriste, Louis Garrel, trente-trois ans, aurait pu sombrer dans la caricature exaspérante du beau gosse arrogant, parisien et vain. Il a parfois frôlé la ligne rouge mais a échappé au pire : devenir l’icône d’une saison puis lasser. Surprendre, c’est (souvent) plaire. Lucide, l’homme, avec distance et humour, a emprunté les chemins de traverse en cultivant le secret – il s’exprime peu dans les médias –, a joué habilement avec son image (sa prestation hilarante dans Mon roi, de Maïwenn, le prouve) et, surtout, a accompli des choix qui prouvent qu’il ne mise pas que sur sa mine de ténébreux irrésistible.
BIENTÔT GODARD
L’ an passé, il a ainsi signé ses débuts de réalisateur avec Les Deux Amis, une comédie aérienne qui prohibe l’esprit de sérieux. L’ an prochain, on le retrouvera à l’affiche du Redoutable de Michel Hazanavicius (The Artist). Il y incarnera un certain Jean-Luc Godard, en 1966, alors que le cinéaste de la Nouvelle Vague navigue amoureusement entre Anna Karina et Anne Wiazemsky, deux actrices, deux muses, deux beautés. Le film s’annonce comme charmeur et stylé, joli à regarder et un poil mystérieux. Garrellien, en quelque sorte.

