Renversante Reverso

Conçue en 1931 pour résister aux chocs des parties de polo, la Reverso, montre emblématique de Jaeger-LeCoultre, fête ses 90 ans. Jusqu’au 24 décembre, l’exposition Intemporelle depuis 1931 retrace son histoire renversante. Catherine Rénier, CEO de la maison horlogère, fait le tour du cadran de cette icône.

Judith Spinoza

La Reverso, qui signifie « Je tourne sur moi-même », est l’une des plus « belles icônes horlogères. » Une montre sportive et chic, devenue intemporelle ; conçue pour résister aux matchs de polo des officiers de l’armée britannique en Inde. Qui précisément a été le premier à la porter au poignet ?

Certains éléments nous manquent, mais nous avons des témoignages qui indiquent que les toutes premières pièces ont été immédiatement envoyées à leurs commanditaires ; c’est-à-dire aux militaires anglais stationnés en Inde et grands joueurs de polo qui souhaitaient protéger leur montre pendant les matchs.

L’exposition est présentée en 4 chapitres : son histoire, son design, l’innovation et l’histoire de l’artisanat. Selon vous, quel est l’élément le plus marquant à retenir ?

Au cours de ces 30 dernières années, grâce au renouveau de l’horlogerie mécanique et à la valorisation des métiers rares, la Reverso affirme un potentiel inimaginable du temps de sa création. En tant que modèle emblématique du style Art déco, elle est devenue une icône dans le vrai sens du terme. La Reverso affiche un style intemporel et une identité unique, sans compromis ; et ce, depuis neuf décennies marquées par le progrès social, l’évolution des tendances et de nombreuses avancées technologiques.

Qu’est-ce qui fait son originalité ?

Elle impose un langage esthétique radicalement nouveau : si l’envers de son boîtier en métal se veut à l’origine purement fonctionnel et permet d’éviter d’endommager le cadran, il devient rapidement une surface idéale pour la personnalisation ; et accueille volontiers monogrammes, armoiries ou messages personnels au moyen des techniques de gravure, de laque ou d’émaillage. Libre à sa ou son propriétaire de dissimuler cette décoration, tel un trésor personnel et intime inavoué ; ou au contraire de retourner le boîtier pour en dévoiler tous les secrets.

La Reverso a pris forme entre les mains de René-Alfred Chauvot et nécessité pas moins de 17 croquis. À quelle prouesse technologique horlogère d’aujourd’hui pourrait-elle être comparée ?

Il est difficile de comparer les époques, mais dans le contexte de 1931, c’était véritablement une authentique invention qui repoussait les limites de l’horlogerie. Rendez-vous compte, une montre qui se portait au poignet alors que la coutume était alors la montre de poche ; mais aussi une montre rectangulaire, aux proportions idéales respectant le nombre d’or, habillée de cadrans de couleur et qui se retournait ! À l’heure actuelle, nous ne savons pas s’il serait possible de se démarquer aussi singulièrement ; et, surtout, de devenir un succès toujours aussi recherché 90 ans plus tard.

À quoi ressemblent les montres à l’époque ?

Les cadrans argentés s’imposent et se généralisent, dans des boîtiers ronds principalement, alors que les Reverso d’origine affichent un cadran rectangulaire noir aux index contrastés. Plébiscité pour son incroyable lisibilité, il est proclamé « cadran du futur ». Dans la foulée, de nouvelles versions de Reverso aux cadrans de couleurs voient le jour. Une rareté en horlogerie à l’époque. La possibilité de le choisir rouge vif, marron chocolat, bordeaux ou bleu rend la Reverso encore plus moderne et indiscutablement unique.

Personnalisable donc ?

Oui, et les femmes ont également eu la possibilité de choisir des boîtiers dans différents métaux, ainsi que des modèles pouvant être portés sur un bracelet en cordonnet ; ou encore déclinés sous forme de pendentifs ou de bijoux de sacs à main.

Quand a été lancée la première version féminine ?

La Reverso est un modèle qui a été créé en 1931 à la fois pour les hommes et les femmes. Initialement produite dans un boîtier en acier, elle apparaît très vite dans des boîtiers en or ou bimétalliques. Pour compléter ces différents matériaux et styles, une variété de bracelets ont été proposés. Inspiré des détails artisanaux de la haute couture, le bracelet cordonnet finement tressé est associé à la Reverso pour la première fois en 1933. Ce simple cordon noir – la « petite robe noire » des bracelets de montre – incarne l’élégante féminité de la période Art déco. Dans les années 90 naît la Duoface ; dont la version féminine est mise au point en 1997 avec la Reverso Duetto.

De quoi cette montre iconique s’est-elle enrichie au fil des années ?

Elle s’est d’abord parée de cadrans de couleur. Dans les années 90 vient le temps des complications. En 1994, la Duoface voit le jour et avec elle le dualtime : une heure au recto et une autre au verso. Puis, en 1997, la Duetto voit le jour, offrant deux cadrans au gré des envies de sa propriétaire. Les années 90 ont été riches en complications pour la Reverso : le tourbillon, la répétition minutes, etc., ont été développés sur ce modèle emblématique. Un challenge en raison de la forme et de la petite dimension du mouvement !

En 1996, avec la renaissance de l’atelier émaillage, la maison lance de nouvelles montres décorées en émail Grand Feu. Les émailleurs de la Manufacture sont peu à peu rejoints par des artisans spécialisés en gravure, sertissage et guillochage, tous réunis en 2016 dans un seul et même espace, l’Atelier des Métiers Rares®. Ces artistes créent des décors et mises en scène de plus en plus élaborés et spectaculaires.

Se réinventer sans se dénaturer…

Au fil des décennies, la Reverso a présenté divers cadrans, différentes tailles de boîtiers, différentes fonctions et complications sans compromettre l’intégrité du modèle original. Ce qui est important avec ce modèle, c’est la façon dont la maison a pu jouer avec son design et repousser les limites en incorporant des complications innovantes.

Quels sont ses modèles ou commandes spéciales les plus incroyables ?

Grâce à l’intervention des artisans de l’Atelier des Métiers Rares®, les possibilités de création artistiques sont illimitées ! La gravure, le sertissage, l’émaillage ou le guillochage permettent de rendre une pièce unique. Par exemple en reproduisant le tableau d’un grand maître ; en y inscrivant un message très personnel ou en gravant le visage d’un être cher.

Combien de références de la Reverso existe-t-il entre 1931 et aujourd’hui ?

À l’origine, et ainsi qu’il était de coutume à l’époque, nous donnions différents choix de cadrans à nos clients ; les combinaisons furent donc nombreuses. Toutefois, nous savons que la Manufacture a créé 56 calibres dédiés à la Reverso.

Quelle est la différence entre la Reverso de 1931 et celle de 2021 ?

En 1985, un nouveau boîtier voit le jour. C’est le premier à être usiné par Jaeger-LeCoultre à partir de la technologie CNC – encore inédite à l’époque. Étanche, imperméable à la poussière, doté d’un nouveau mécanisme de retournement et d’un design revisité au niveau des cornes et du brancard, ce boîtier compte désormais 55 pièces au lieu de 23 sur les modèles d’origine. Depuis, le boîtier a été redessiné pour mieux épouser la forme du poignet ; il est devenu plus ergonomique. Les calibres ont aussi évolué avec des normes de précision et de robustesse supplémentaires. Mais l’esprit de Reverso demeure.

L’Atelier d’Antoine – du nom du fondateur de la Manufacture – a été spécialement délocalisé à Paris et propose sur rendez-vous aux visiteurs de découvrir la Reverso de manière interactive. C’est-à-dire ?

Limité à un maximum de huit participants, chaque atelier est encadré par un instructeur et un expert de la Manufacture Jaeger-LeCoultre ; pour découvrir comment le design de la Reverso a été conçu, pourquoi son boîtier se retourne. Pour comprendre les secrets du mécanisme de pivotement breveté ou les autres innovations qui ont rendu la montre si distinctive tout au long de ses 90 ans d’histoire.

CEO depuis 2019, vous avez débuté votre carrière en 1999 chez Cartier à New York ; avant d’intégrer Van Cleef & Arpels et affichez une solide expérience internationale. Votre credo, chez Jaeger-LeCoultre, c’est d’allier tradition et modernité par le biais de l’innovation. Comment cela s’incarne-t-il en général dans votre stratégie et dans la gamme des Reverso ?

Depuis sa création en 1833, notre maison s’est donné pour mission d’être dépositaire de son savoir-faire et de son patrimoine uniques. Fort de 188 années d’innovation et de savoir-faire incomparables, Jaeger-LeCoultre continue chaque jour de repousser les limites de la haute horlogerie mécanique. Par exemple, la collection Hybris Mechanica, composée de montres révolutionnaires aux nombreuses complications, a accueilli cette année une nouvelle pièce dont la création a nécessité six années de développement : la Reverso Hybris Mechanica Calibre 185 ; la première montre au monde avec quatre faces d’indications horlogères.

L’horlogerie, intrinsèquement vouée à un temps long, est-elle aussi touchée par les enjeux écoresponsables ? Si oui, en quoi ?

Pour que la transformation durable soit réussie, une compréhension claire et précise de l’étendue de nos activités est essentielle. Nous comprenons qu’en tant qu’entreprise, nous sommes responsables de toutes les activités de notre chaîne d’approvisionnement ; et c’est pourquoi nous appliquons fermement les principes de diligence raisonnable. Nous sommes convaincus que la transparence et la traçabilité nous aideront à identifier les leviers et à mettre en œuvre les actions nécessaires pour accroître la durabilité de notre maison.

À quoi ressemblera l’horlogerie de demain ?

L’horlogerie a de belles années devant elle. L’innovation, l’intemporalité et l’attachement émotionnel à la montre continuent de donner à l’horlogerie des ailes pour l’avenir. L’intérêt pour la personnalisation porté par Reverso offre une large place à l’expression personnelle.

Jusqu’au 24 décembre 2021, 15 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris exposition-reverso.com

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