assiette de demain

À la recherche de l’assiette de demain

Dans la patrie de Paul Bocuse, des chefs s’associent à la recherche botanique pour sublimer les végétaux de demain. La Fondation pour la cuisine durable d’Olivier Ginon, président de l’agence événementielle GL events, fait le lien entre cuisiniers et scientifiques en quête de fruits, légumes, céréales et aromates adaptés à des conditions climatiques difficiles, mais aussi riches en goût.

Lola Bondu

Dans les allées potagères de la ferme Melchior, à quelques kilomètres au sud de Lyon, des chefs arpentent les serres et poussent les voiles de coton pour admirer les plantations. Ils sont une vingtaine ce jour-là à découvrir les variétés rares cultivées par les scientifiques du Centre de recherche de botanique appliquée (CRBA), visuellement et gustativement. À l’initiative de cette rencontre entre chefs et chercheurs se trouve Marie-Odile Fondeur, déléguée générale de la Fondation pour la cuisine durable, basée à Lyon.

Passionnée de gastronomie, Marie-Odile Fondeur a fait toute sa carrière dans l’événementiel, dont 30 ans au développement du Sirha Lyon, salon des professionnels de la gastronomie. Alors qu’elle raccroche après l’édition de 2021, elle est missionnée par Olivier Ginon, grand patron de GL events, qui lui donne carte blanche pour créer sa fondation d’entreprise. Le but ? Accompagner les cuisiniers dans la transition et être le moteur d’une gastronomie plus en phase avec les enjeux actuels.

 

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Marie-Odile Fondeur lance la Fondation pour la cuisine durable avec un premier événement de taille en septembre 2022 : les Collections végétales. La déléguée générale de la fondation a convié des chefs sensibles à l’expérimentation gastronomique, parmi lesquels Pierre Hermé, Sébastien Vauxion (chef pâtissier du Sarkara à Courchevel), Olivier Couvin (Restaurant Paul Bocuse à Collonges-au-Mont-d’Or), Christophe Aribert (Maison Aribert à Saint-Martin-d’Uriage) ou encore Julien Machet (Le Farçon à Courchevel).

Ces grandes toques ont été reçues sur les terres de la ferme Melchior du CRBA. Créé en 2008, le laboratoire au statut associatif cultive des variétés de végétaux peu connues, parfois oubliées, sélectionnées pour leur résilience au dérèglement climatique.

Expéditions botaniques

Dans un premier temps, Stéphane Crozat et Sabrina Novak, cofondateurs de l’association, sont partis à la recherche de variétés locales perdues et ont récupéré des graines auprès des banques de semences, notamment la plus ancienne, l’Institut Vavilov à Saint-Pétersbourg. Avec cette quête, les scientifiques entendaient lutter contre l’appauvrissement de nos assiettes et retrouver une plus grande autonomie alimentaire.

Après avoir ramené plus de 250 variétés originaires de la région lyonnaise, les chercheurs ont décidé d’aller plus loin en organisant des expéditions botaniques dans différentes régions du monde au climat extrême, comme le Daghestan, en Russie, le sud du Caucase et bientôt l’Arménie. Lors de ces voyages, le CRBA collecte des plantes qui poussent malgré la grande amplitude thermique, allant de –30 °C à +50 °C, le manque d’eau et des conditions parfois très venteuses.

Le goût avant tout

Ces variétés sont ensuite longuement testées dans le laboratoire lyonnais, avant d’être plantées dans la ferme semencière. Ces phases d’expérimentation ont une grande importance dans la sélection du CRBA, qui teste également l’apport nutritif des végétaux. « Quand on sème une graine, les qualités nutritionnelles sont à 30 % dues à la génétique et 70 % à l’environnement », assure Sabrina Novak, qui pointe le rôle de la santé des sols.

 

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Quant à la dernière étape du processus, elle s’attarde sur les propriétés organoleptiques des plantes, car le goût est un facteur majeur pour espérer retrouver plus tard ces variétés dans nos assiettes. Même si le CRBA travaille depuis 2010 avec des restaurateurs, notamment le chef étoilé Christian Têtedoie, la rencontre entre les chercheurs et Marie-Odile Fondeur est décisive et mène ces tests de goût à une autre échelle. « Pour les Collections végétales, nous avons sélectionné des variétés à faire découvrir aux chefs. Ils sont partis de la ferme avec un panier rempli de végétaux qu’ils ont goûtés », raconte la cofondatrice du CRBA.

Scientifiques et chefs, main dans la main

« Seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin. » Ce proverbe sied parfaitement à cette association entre chefs et scientifiques. « Une nouvelle discussion sur l’alimentation est nécessaire en regroupant tous les acteurs afin qu’ils puissent échanger les uns avec les autres », estime le chef étoilé Jérémy Galvan, convié à la première édition des Collections végétales et connu pour sa cuisine expérimentale. Avant d’ajouter : « La mise en commun de l’expérience est essentielle. Expérimenter chacun de notre côté n’a pas de sens. »

 

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Du côté de la fondation, on fourmille d’idées et on planche désormais sur un potager de référence qui produirait les variétés de demain et fournirait en partie les chefs. « Nous souhaitons montrer que c’est possible et ainsi convaincre les restaurateurs de faire la même chose chez eux », indique Marie-Odile Fondeur, qui organise en même temps un concours de cuisine durable. Quant à l’événement des Collections végétales, il a vocation à se pérenniser : une seconde édition est prévue pour le 4 septembre 2023 et convie cette fois-ci des chefs récompensés d’une étoile verte.

fondation-cuisinedurable.org

crba.fr


À quoi ressemble l’assiette du futur ?

Locavore, flexitarien, végétarien, végan… Les habitudes alimentaires évoluent, et la cuisine aussi. Mais à quoi ressemble l’assiette du futur en France ? Chacun s’accorde à dire qu’elle sera plus végétale. « On n’exclut pas la viande, parce qu’elle fait partie de la culture, mais on réduit sa part dans notre alimentation et on privilégie une viande de meilleure qualité », prédit Marie-Odile Fondeur de la Fondation pour la cuisine durable.

Le chef étoilé Jérémy Galvan voit, lui, une assiette légumière, qui comprend des légumineuses. Mais comment amener en grande gastronomie ces pois et autres haricots secs, qui ont parfois une image de plat de grand-mère, comme c’est le cas pour les lentilles ? « Nous pouvons innover en cuisine en amenant les légumineuses sous une autre forme, en pâte, en biscuit… Ce sont des aliments essentiels qui viennent aussi en réponse à la baisse des protéines animales dans l’assiette. »


Lire aussi : La grande gastronomie prend le tournant du végétal


 

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