Benoît Gouez – Yannick Alléno : Rencontre de fines bulles

L’un affiche fièrement ses trois étoiles, l’autre son attachement à la maison Moët & Chandon depuis deux décennies. Le chef Yannick Alléno et le chef de cave Benoît Gouez ont les yeux qui pétillent dès que l’on parle de champagne. Nous les avons réunis autour d’une coupe.

Raphaël Turcat

 

 

À partir de quel moment avez-vous compris l’importance qu’allait prendre le champagne dans vos vies ? 

Yannick Alléno : J’ai compris l’importance de la viticulture dans la restauration assez tard. Je me suis alors mis en quête de connaissances et je me suis vite rapproché de Benoît Gouez pour apprendre sur le champagne.

Benoît Gouez : Moi, ça a été plus rapide que Yannick. J’ai choisi ma spécialisation d’ingénieur en viticulture et en œnologie en toute connaissance de cause. J’ai été immédiatement attiré par trois dimensions du vin : l’équilibre entre science et sensibilité, l’aspect culturel-social-convivial et le voyage.

 

Pour quelle raison champagne et grande cuisine ne font pas bon ménage dans l’esprit du public ? 

YA : C’est une idée reçue. Pour moi, le lien entre bons moments de cuisine et le champagne est connu de tous.

BG : Je pense que la force du champagne, c’est d’être « célébratoire ». Sa faiblesse, c’est de s’être coupé du monde du vin. Il faut faire comprendre qu’un grand champagne est avant tout un grand vin et ensuite, un peu plus qu’un grand vin. Je dirais qu’il faut oser dîner au champagne, parce que son assemblage de raisins noirs et de raisins blancs lui donne à la fois de la structure et de la légèreté, source de versatilité. Que sa maturation en cave lui donne encore plus de complexité. Que sa fine effervescence est un incroyable révélateur d’arômes, de saveurs et de texture. 

YA : Il parle tellement bien du champagne, et je suis d’accord avec lui : il faut dîner au champagne en toute occasion ! 

 

 

Quelles sont les meilleures correspondances gustatives entre champagne et mets ?

BG : Les accords champagne brut et salinité ! Parmi les cinq saveurs primaires, le champagne a naturellement de l’acidité et de l’amertume venant des raisins vendangés en limite septentrionale de la culture de la vigne, de l’umami issu de longues années de maturation sur levures en bouteille dans nos caves et une légère touche de sucre liée au dosage. Seule la saveur salée manque, c’est pourquoi elle est complémentaire. Ce n’est pas un hasard si le caviar, les huîtres, un vieux comté ou un jambon sec sont cités comme les ingrédients les plus classiques associés au champagne.

 

Parlons bulles : qu’apportent-elles lors de la dégustation d’un plat raffiné ?

BG : Elles sont un formidable révélateur d’arômes, de saveurs et de textures. Elles stimulent le nez et les papilles tout en allégeant les sensations d’ensemble. Et puis elles nettoient le palais et laissent une sensation de fraîcheur.

YA : D’ailleurs, chaque champagne a sa bulle, en fonction de son âge, de son dosage. C’est une effervescence plurielle intéressante.

 

Quelles sont les règles de base à respecter pour allier champagne et plats ? Quelles saveurs faut-il privilégier, quels mélanges éviter ? 

YA : Il faut connaître le champagne, l’écouter, le respecter pour l’allier au mieux avec les mets. L’idée fausse, c’est de penser que le champagne est fait seulement pour le dessert. Au contraire, le champagne s’allie à merveille avec de nombreuses saveurs, tant sucrées que salées. Tout ce qui est iodé va très bien, l’agneau également avec certains vieux champagnes. Il est important d’éviter les saveurs trop sucrées, les sauces au vin rouge évidemment. Il faut préférer plutôt des viandes blanches que des viandes noires. Si l’on veut prendre un bœuf, autant privilégier un bœuf Wagyu japonais.

BG : Je suis d’accord avec Yannick. Rechercher la salinité, éviter le sucre. Ne pas trop cuire, garder du fondant, du juteux. Toujours avoir un élément croquant, craquant, croustillant, pour jouer avec l’effervescence !

 

Langoustine sous une feuille de riz, jus de fraise et huile de persil, fraise en croute de sucre au céleri et menthe chocolat

Quel serait, par exemple, le menu parfait pour dîner au champagne pendant les fêtes ?

YA : Des coquilles Saint-Jacques à la truffe, une langoustine pochée au champagne, une sublime volaille aux truffes avec une sauce au champagne…

BG : Des huîtres bien iodées pour commencer, un poisson de roche au beurre citronné pour suivre, puis une poularde demi-deuil et des légumes-racines, une sélection de trois fromages affinés – comté, parmesan, mimolette. Enfin, un dessert aux fruits de saison associé à un champagne légèrement plus sucré (demi-sec).

 

Yannick Alléno, imaginez-vous désormais des plats spécialement autour du champagne ?

YA : Très souvent. C’est un ingrédient avec lequel j’adore cuisiner. Je pense par exemple à ces deux plats que j’ai créés pour l’un de mes restaurants : la noix de coquille Saint-Jacques au champagne ou l’assiette d’asperges blanches cuites et crues au champagne, réduction et sabayon à l’orange.

 

Benoît Gouez, consomme-t-on un champagne vintage de la même façon ?

BG : Le champagne millésimé est plus rare, plus typé, plus complexe et plus mûr. Certains millésimes issus d’années froides restent parfaits pour un apéritif sophistiqué, ceux nés d’années plus chaudes accompagnent parfaitement des repas élaborés.

 

 

« L’idée fausse, c’est de penser que le champagne est fait seulement pour le dessert. »

               Yannick Alléno.

 

« Il faut oser dîner au champagne parce que son assemblage de raisins noirs et de raisins blancs lui donne de la structure et de la légèreté. »

              Benoît Gouez.

 

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