Le goût du Japon à Paris

Longtemps restée un mystère, la cuisine japonaise s’affiche aujourd’hui à Paris. Qu’elle soit traditionnelle, populaire ou d’inspiration, elle fait vibrer nos papilles.

Anne Debbasch

Assimilé à une cuisine saine, voire diététique, aux saveurs dépaysantes, la cuisine japonaise séduit les occidentaux. Longtemps réservée à des connaisseurs, elle s’est démocratisée en une vingtaine d’années. Les sushis sont devenus un incontournable de la street food même si au pays du soleil levant, ils requièrent un véritable savoir-faire dans l’art de choisir et de découper le poisson.

D’autres spécialités comme les ramens, les gyozas, les nouille soba ou encore le shabu-shabu ont aussi conquis la planète food. Mais il ne faut pas oublier qu’à l’instar de la France, le Japon est réputé pour sa gastronomie et sa culture culinaire alliant démarche spirituelle et communion avec la nature.

Respect du produit et sens du raffinement : la cuisine kaiseki

Au Japon, les saisons rythment les saveurs de la cuisine. Poissons, légumes, fruits, plantes sont ainsi choisis à maturité et souvent utilisés dans leur entièreté ; faisant résonner le lien fort qui unit les insulaires à leur environnement.

En France, le chef multi-étoilé au Japon, Toru Okuda, s’est lancé le défi en 2013 d’ouvrir un restaurant dédié à la cuisine kaiseki ; le nec plus ultra de la gastronomie japonaise. Souvent dégustée avec du saké, elle allie la gastronomie à un art de la table poussé à l’extrême, choisi en résonance avec les saisons.

La sélection des ingrédients doit impérativement illustrer le moment ; tout comme la sobriété de leur préparation qui doit refléter la quintessence du goût du produit, sans assaisonnement superflu. En France, c’est donc avec des produits français que le chef exerce son art. La découpe au couteau, la cuisson au binchotan – charbon traditionnel – de certaines viandes ou encore le choix du contenant fait partie intégrante de cet esprit.

Inspirations japonaises, une cuisine qui touche tous les continents

Au-delà de la haute gastronomie, la cuisine japonaise s’accommode de mille façons. De nombreux chefs unissent les cultures sud-américaines, européennes ou encore africaines à la culture japonaise, ouvrant l’ère d’une cuisine d’inspiration.

Dans les années 1920, l’installation d’une diaspora japonaise au Brésil et notamment à Sao Paolo a contribué à créer une nouvelle cuisine – la cuisine nikkei – associant les ingrédients brésiliens aux techniques et aux savoir-faire japonais. Le restaurant Uma nota à Paris s’en fait l’écho. « Uma nota rend hommage à cette deuxième culture intégrée à la culture brésilienne. Nous proposons des plats typiques de Sao Paolo marqués par cette empreinte asiatique », nous confie Alexandre Guillet, l’un des fondateurs.

Si l’on rentre ici dans un véritable boteco brésilien, l’influence japonaise se retrouve dans les plats comme l’émietté de poulet frit à la chapelure de panko ou les brochettes cuites au binchotan. Les tiradito ou les ceviche sont eux aussi emprunts des deux cultures. Préparés avec le fameux leche de tigre – citron vert, coriandre et piment – ils sont enrichis de sauce soja, de wasabi ou encore de mirin.

Cuisine nikkei, quand Pérou et Japon fusionnent

Le voyage culinaire en Amérique du Sud se poursuit avec l’incontournable chef japonais Nobu Matsuhisa ; dont la cuisine associe influences japonaises et péruviennes. Une combinaison qui laisse la part belle au poisson cru et à une abondance de piments et de citron vert.

Interprétée par son chef Hideki Endo chez Matsuhisa au Royal Monceau à Paris, les assiettes à l’esthétisme épuré s’enrichissent de jalapeño pour condimenter un sashimi de seriole sauce soja-yuzu ; de miso croustillant pour accommoder un bar chilien cuit à la vapeur de saké ; ou encore l’emblématique salade de pousses d’épinards. Le thon chutoro s’invite quant à lui dans de délicieux mais néanmoins improbables tacos nippo-péruviens.

En revanche, chez le chef du restaurant Shiro, Hiroyeki Ushiro, ce sont les ingrédients japonais qui s’intègrent à la cuisine française. « Ma cuisine est franco-japonaise. Je fais venir certains ingrédients du Japon, comme le bœuf wagyû, puis je les cuisine avec des techniques françaises », explique le chef.

Dans une sauce crémée, Hiroyeki Ushiro remplace par exemple le vin blanc par le saké pour accompagner un filet de cabillaud ; alors que le wagyû est servi avec une sauce au Porto ou travaillé en rôti avec une sauce au vin rouge et au miel. Pour ses desserts, le thé vert réveille la crème pâtissière du millefeuille ; alors que le kinako –poudre de soja grill – s’immisce dans un Mont-Blanc franco-nippon.

Mory Sacko, entre Afrique, Japon et France

Le voyage se poursuit en Afrique grâce à Mory Sacko (Mosuke) dont les créations reflètent une rencontre tripartite entre l’Afrique, le Japon et la France. « La cuisine japonaise est une cuisine de précision. La main du chef s’efface au profit des ingrédients ; qui doivent livrer la quintessence de leur goût. C’est ce que j’aime dans cette cuisine et que j’insuffle dans ma carte. Je pioche parmi les ingrédients japonais – miso, sauce soja, algues  comme je le ferai dans une boite à outils ».

Ainsi, la sauce soja remplace le sel dans le poulet sauté ; le poulet yassa est servi avec crème de riz et de yuzushu ; le homard est condimenté par un miso maison de tomate ; quant à la ganache au chocolat, elle s’associe à une glace au wasabi ; pour une carte multi-culturelle qui s’accorde dans une belle harmonie.

S’il n’est pas dans la tradition japonaise de terminer le repas par une pâtisserie, les Japonais ont cependant une multitude de créations sucrées : mochi ; chiffon cake ; kakigori ; doriyaki ; et bien sûr les wagashi ; ces pâtisseries traditionnelles, fruit de la sensibilité nippone à l’esthétisme, à la nature et au passage des saisons.

Douceurs nipponnes

Depuis la rentrée, une toute nouvelle expérience s’offre aux parisiens avec le Kafé Buki, un coffee shop singulier imaginé par deux français passionnés de Japon. Au menu, un lieu de vie à l’esprit du théâtre Kabuki et une offre inspirée : matcha ; thés et cafés préparés à la manière japonaise dans des cafetières siphon ; mais aussi « kurimus », ces boissons surmontées d’une crème fouettée parfumée servies avec une douceur japonaise.

Enfin, dans l’univers de la haute pâtisserie, Pierre Hermé s’inspire de ses voyages au Japon pour créer une collection éphémère – Japonisme – alliant goûts nippons et pâtisserie française. « Au Japon, les pâtisseries sont imaginées aux goûts des saisons. C’est traditionnellement avec le thé qu’elles sont dégustées pour adoucir l’amertume du matcha. Dans cette collection, j’ai cherché à évoquer l’excellence, l’esthétisme et le perfectionnisme japonais par des saveurs et des textures insolites », nous dit Pierre Hermé.

Il imagine ainsi des alliances inattendues ; prenant tantôt la forme d’un gâteau emblématique de la pâtisserie japonaise accommodé à la française comme les mochis qu’il interprète dans une version Ispahan ; tantôt celle d’une tarte traditionnelle dont l’alliance fraise des bois et crème de shiso sont une ode à la culture nippone. Cerise sur le mochi, il compose le Jardin japonais ; un gâteau inédit où il se plaît à recréer la saveur des fleurs de cerisiers en associant une compote de griottes relevée de fève Tonka et de citron.

Plus qu’une cuisine, la cuisine japonaise devient un art de vivre résolument sain qui se déguste d’abord avec les yeux ; avant de satisfaire petits appétits et faims de samouraï. Itadakimasu (bon appétit) !

Adresses

Okuda 7 rue de la Tremoille, 75008 Paris
Uma nota 86 rue Réaumur, 75002 Paris
Matsuhisa Le Royal Monceau 37 avenue Hoche, 75008 Paris
Shiro 168 boulevard Saint-Germain, 75006 Paris
Mosuke 11 rue Raymond Losserand, 75014 Paris
Kafé Buki 20 rue Poissonnière, 75002 Paris
Pierre Hermé 72 rue Bonaparte, 75006 Paris

Lire aussi : Les restos de l’automne

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