Les Arcs de Charlotte Perriand

Il y a cinquante ans naissaient Les Arcs, imaginés par Charlotte Perriand. À l’occasion de la somptueuse exposition que consacre la Fondation Louis Vuitton à la designer et architecte française, voici l’histoire d’une station pas tout à fait comme les autres.

 

Raphaël Turcat

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Les Arcs ont cinquante ans et presque toutes leurs dents. De cette station pensée de A (comme « abat-jours ») à Z (comme « zen ») en passant par F (comme « fourchettes ») ou V (comme « vue sur les montagnes enneigées ») par Charlotte Perriand, il reste bien sûr ces immeubles aux façades inclinées, aux grandes baies vitrées et aux larges balcons pour profiter à plein de la vue. Pour le reste, les appartements, conçus comme des petits chalets avec un espace optimisé pour les familles, ont peu à peu laissé la place à des logis rénovés où les cuisines et les salles de bains d’origine ne sont plus qu’un lointain souvenir.

Normal, après tout. Comme nous l’explique Florent Jeanniard, directeur du design Europe chez Sotheby’s, « si le geste de Charlotte Perriand aux Arcs est comparable au Brasília d’Oscar Niemeyer ou au Castellaras de Jacques Couëlle, les matériaux utilisés pour le mobilier intérieur, comme le sapin, étaient de qualité modeste et ont mal vieilli. D’ailleurs, si certaines bibliothèques de Perriand peuvent aujourd’hui atteindre 400 000 euros, les tabourets et les tables des Arcs ne dépassent pas, eux, les 3 000 euros. »

Le projet des Arcs n’en reste pas moins dingue, fruit de décennies d’études que cette fan de sport en général, et de montagne en particulier, initie en érigeant à la fin des années 1960 un modeste chalet à Méribel, où elle a pu mettre en œuvre trois éléments qu’elle juge fondamentaux, tirés de ses réflexions, après avoir séjourné ado dans une chambre d’hôpital dépouillée : « La fenêtre, la lumière, la fonction. »

Les sports d’hiver pour tous

Charlotte Perriand a un talent fou. Et du nez, ce qui n’est pas superflu quand on est à la fois designer et architecte. Formée à bonne école, celle de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret, c’est là qu’elle décide de rompre avec l’académisme architectural et de se tourner vers la fonctionnalité, les loisirs et le bien-être. Elle a la petite trentaine lorsqu’elle imagine la station de ski idéale. L’idée est osée : au milieu des années 1930, personne ne miserait un quart de ski sur l’explosion des loisirs, a fortiori sur ce que l’on appellera plus tard les « sports d’hiver ». Les Arcs, c’est son grand œuvre, la pyramide de Khéops de sa carrière : 4 500 logements, 30 000 lits, une cité interdite aux voitures et des coûts maîtrisés pour accueillir des familles qui ne sont pas milliardaires.

Très engagée à gauche, Charlotte Perriand est obsédée par l’habitat pour tous, comme elle l’a prouvé avec sa Maison au bord de l’eau ou ses chambres pour la Cité internationale universitaire de Paris. Pour y parvenir, « elle ose les matériaux industriels – caoutchouc, tube chromé, potence métallique, aluminium… – et les techniques d’assemblage d’éléments préfabriqués et modulaires – casiers, lits, tables, bibliothèques, cuisines et salles de bains », détaille Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton, qui lui consacre une exposition jusqu’au 24 février. Son projet « gravira la pente pour former un ensemble où chaque étage aura une vue sur l’horizon », ajoue-t-telle. Pourtant, tout n’a pas été si simple.

Immeubles en cascade

Si Charlotte Perriand a imaginé Les Arcs pendant trente ans, elle n’apparaît sur le chantier qu’à partir de 1967, alors que Roger Godino, polytechnicien et fondateur de la station, a commencé à demander des études cinq ans plus tôt. Le projet est d’abord pensé pour Arc 1600. La collaboration avec Perriand se fait tout en douceur : les immeubles couchés en cascades prennent la place des immeubles-tours précédemment prévus. Godino est conquis par sa résidence La Cascade, où les terrasses évitent la superposition pour profiter à plein du soleil. Perriand a les mains libres et va s’attaquer aux deux autres stations, Arc 1800 et Arc 2000. 

« Son architecture ne procède pas d’une approche monumentale, mais d’une interpénétration entre volume habitable et perception de l’espace extérieur », explique Sébastien Cherruet, commissaire de l’exposition « Le monde nouveau de Charlotte Perriand », avant de poursuivre : « Aux Arcs, il s’agit moins d’ordonnancer des édifices sur un plan-masse que de concevoir des logements jouissant tous d’une vue sur l’immensité de la montagne. Les modestes studios placés au nord de l’immeuble La Cascade offrent une grande baie horizontale : un tableau animé avec, pour protagoniste, la cime du mont Blanc. Quant aux logements orientés au sud, des terrasses prolongent les appartements grâce à des banquettes qui assurent une heureuse transition. »

Des salles de bain à la Star Trek

Pour Arc 1800, Perriand imagine des constructions en arc autour du golf, lieu d’arrivée des skieurs quand l’hiver le recouvre de son manteau blanc. Pour Arc 2000, la station se compose de trois villages autonomes, pour faciliter le chantier et éviter les galères qui ont présidé à l’édification des deux autres stations. Il faut faire vite, sans cesse changer son fusil d’épaule sans rien renier du postulat de départ, lutter contre les dépassements de budgets : les salles de bains – qui ont l’air d’avoir été inventées par le capitaine Jean-Luc Picard, le personnage de l’univers Star Trek, avec leurs couleurs vives et leurs formes arrondies – et les cuisines sont préfabriquées en coque de polyester et soumises au raccordement dès leur pose par de gigantesques grues.

Arc 1800 doit accueillir plus de touristes qu’Arc 1600 ? Perriand n’en a cure, mieux, elle en est ravie. Ses studios de 20 m2 sont conçus tels des refuges, capables d’accueillir quatre à cinq personnes, bannissant toute fioriture pour se concentrer sur l’essentiel : la fonctionnalité. Pour Arc 2000, Perriand prend ses distances, se contentant d’imaginer un studio modulable, capable de se transformer en deux-pièces par un sas d’entrée commun ouvert sur le couloir de la coursive. Entre 1968 et 1979, les trois Arcs s’ouvrent enfin au public. « Avec la création de la station de ski, Perriand prend place parmi les grands bâtisseurs de la France des Trente Glorieuses », analyse Sébastien Cherruet. « Avec l’UAM dans les années 1930, puis après-guerre avec l’exposition “Proposition d’une synthèse des arts, Paris 1955” et tout au long de sa carrière, Perriand nous convie à un nouvel art de vivre. » Du haut du Carreley, vous ne regarderez plus jamais comme avant ces drôles d’immeubles d’une station unique.

Le Monde nouveau de Charlotte Perriand, jusqu’au 24 février à la Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma Gandhi, 75116 Paris.

fondationlouisvuitton.fr/fr/expositions/exposition/charlotte-perriand.html

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