hôtels de luxe

Comment conçoit-on un hôtel de luxe ?

À la tête de MCM Architecture & Design, spécialisé entre autres dans l’hôtellerie de luxe, l’architecte portugais Miguel Câncio Martins rachète en 2016 un terrain à Comporta où il réalise un projet imaginé il y a 20 ans : la Quinta da Comporta. Interview cinq étoiles.

Raphaël Turcat

Vous êtes réputé pour réaliser des hôtels de luxe un peu partout dans le monde. Comment définiriez-vous votre style ?

Je n’en ai pas, car je suis un caméléon, j’aime m’adapter au lieu, au client et au message que veut transmettre l’établissement pour lequel je travaille. Certains créateurs comme Philippe Starck sont des génies dont on peut tout de suite reconnaître le style. Moi, je préfère étonner, surprendre en m’adaptant aux possibilités qui me sont offertes. Tenez, quel est le point commun entre le restaurant Cura de l’hôtel Four Seasons Ritz à Lisbonne, que j’ai conçu comme un petit écrin, et le restaurant Federico, toujours à Lisbonne, un ancien local à vin où j’ai fait creuser des caves et organisé l’espace autour d’un patio ?

Je dirai : la forte présence de matériaux traditionnels, comme le bois ?

Exact. J’ai un lien très étroit avec l’artisanat, je suis toujours admiratif du travail bien fait d’un menuisier ou d’un ébéniste, car certains d’entre eux arrivent à cette formule magique : faire de la simplicité une sophistication extrême. C’est pourquoi je me tourne très souvent vers des cultures où l’artisanat est parfaitement maîtrisé, par exemple le Maroc, le Mexique, l’Inde et l’Indonésie.

Charlotte Perriand a expliqué qu’il faut au moins 80 m2 pour qu’un être humain s’épanouisse. À partir de quelle superficie, selon vous, un voyageur se sent-il bien dans sa chambre d’hôtel ?

Je n’avais jamais réfléchi à cette question sous cet angle-là. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui réfléchissent à l’économie d’espace dans un cadre restreint, comme les hôtels tokyoïtes, où les gens dorment dans des petits caissons, ou les bateaux, sur lesquels l’espace doit être optimisé. Personnellement, ce n’est pas mon truc. Lorsque j’ai les mains totalement libres ou presque, comme c’est le cas à la Quinta da Comporta, je conçois des chambres où je me sentirais bien moi-même, en l’occurrence des espaces qui vont de 40 à 80 m2. Oui, pour moi, cette superficie est nécessaire pour qu’un voyageur se sente bien, en prenant en compte que l’on passe plus de temps dans une chambre d’hôtel que dans sa chambre personnelle.

Quelles sont les trois idées fortes quand on conçoit un hôtel de luxe ?

La première : s’accorder sur le message à faire passer. La deuxième : organiser le lieu pour que le client se sente roi. La troisième : respecter l’endroit où l’on met les pieds. Prenons l’exemple de la Quinta da Comporta. Au Portugal, la « quinta » est une ferme où l’on reçoit sa famille et ses amis, j’ai donc conçu l’hôtel autour de deux granges pour m’intégrer dans la réalité sociale du coin et faire comme une communauté entre les clients de l’hôtel et les gens qui habitent aux alentours.

Ensuite, j’aime l’art de recevoir, je souhaite que les gens soient émerveillés tout en faisant du lieu leur propre maison. À Comporta, il est impossible de construire face à la mer, j’ai donc acheté un terrain sur les rizières, dont l’étendue a quelque chose de similaire à l’océan, tout en misant sur la simplicité et le confort d’un restaurant avec une cheminée, des salons ouverts sur l’extérieur, un spa, une piscine – bref, un chez-soi avec une multitude d’options en plus.

Enfin, je me suis senti redevable de Comporta, où je viens depuis mes 15 ans, en respectant le calme, en faisant travailler les artisans locaux. Comporta n’est pas une grande ville, ce qui a compliqué la construction. J’ai donc eu l’idée de créer un village où les 200 ouvriers ont pu vivre pendant les deux ans qu’a duré la construction.

Quelles sont les plus grosses contraintes quand on conçoit un hôtel de luxe ?

Le luxe est un concept très subjectif. Il ne se définit pas de la même façon lorsqu’on se trouve dans la modernité de Dubaï, le cosmopolitisme de Paris ou l’immensité de la Patagonie. Comporta est un endroit finalement assez spartiate, et cela ne rimait à rien d’y construire une tour incroyable ou une piste d’hélicoptère. Le luxe, ici, c’est l’harmonie avec la nature, faire profiter les gens qui y viennent de sa richesse. Nous avons par exemple créé une ligne de soins avec mon associée Marianne Brass, sur le modèle de ce que fait Caudalie avec les raisins, mais, comme nous sommes au milieu de rizières, nous avons remplacé le raisin par des grains de riz. Cette ligne de soins, qui s’appelle Oryza Lab, est l’une des choses dont je suis le plus fier.

Pouvez-vous nous citer trois hôtels de luxe dans le monde que vous trouvez particulièrement réussis ?

Las Ventanas al Paraíso en Basse-Californie (Mexique), avec cet accès à la mer, les jardins de sables, même si cela a été trop construit depuis que j’y suis allé. Je mettrai ensuite le Badrutt’s Palace à Saint-Moritz, une institution où plusieurs générations de familles se retrouvent. Enfin, The Soho Hotel et Haymarket Hotel, à Londres : ils ont compris que la simplicité menait à la beauté. Et le service y est impeccable.


Quinta da Comporta, Rua de Alto de Pina 2, 7570-779, Portugal. fr.quintadacomporta.com

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Photo de Une : @mireilleroobaertphotography

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