Ski : Années 1930 vs Années 2020

Avec la fermeture des remontées mécaniques, le ski des années 2020 nous fait faire un grand bond d’un siècle en arrière. Techniques, équipements, disciplines : le match au sommet.

Raphaël Turcat

Infrastructures

Années 1930 

En 1921, le baron de Rothschild a quelques idées et beaucoup d’argent. Tombé amoureux d’un petit village de Haute-Savoie, il le rêve avec hôtels de luxe, chalets cossus et équipements conçus spécifiquement pour les skieurs.

Le bourg de Megève (1 521 habitants) ne sait pas encore que quinze ans plus tard, il deviendra la première station de ski d’une France en pleine  mutation – industrialisation des vallées de montagne comme la Maurienne  et la Tarentaise ; développement de la ligne PLM (Paris-Lyon-Marseille) ; généralisation des vacances.

On se rue dans les trains-couchettes pour profiter du téléphérique de Megève et de Chamonix ; des téléskis de la Féclaz, Pralognan, Val d’Isère ; ou du télé-traîneau de Notre-Dame-de-Bellecombe. Les bronzés partent à l’aventure ! 

Années 2020 

650 km de pistes skiables à Évasion Mont-Blanc (Megève, Saint-Gervais…) et aux Portes du soleil (Avoriaz, Morzine…) ; 600 km aux Trois Vallées (Courchevel, Méribel…) ; 425 à Paradiski (La Plagne, Les Arcs, etc.), on en passe et des meilleurs – notamment les Pyrénées (Tourmalet, Saint-Lary-Soulan…) et le Jura (Les Rousses, Mont Jura…). Les domaines skiables en France, c’est mieux que la Route 66 !

Plus grand domaine d’Europe, l’Hexagone a développé depuis les années 1970 son « or blanc », à défaut de trouver de l’or noir, avec la virtuosité d’un Paganini des planches. Mais avec la crise sanitaire, que valent les 3000 remontées mécaniques dont s’enorgueillit notre pays ? 

> Avantage 1930 

Technique et matériel

Années 193

Avec des skis en bois longs comme des jours sans pain munis d’étriers et de tendeurs métalliques, on se débrouille comme on peut. La star Émile Allais crée sa propre technique à la française.

Apparaissent sur les pistes des silhouettes d’hommes et de femmes de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie pratiquant le stem (chasse-neige + virage + ski ramené) ou le christiania (flexion + extension + flexion avec les skis parallèles) ; pendant que d’autres s’essaient au télémark (le talon n’est pas fixé, on tourne avec le fléchissement de la jambe intérieure).

Mais pour la plupart, il s’agit de dévaler les pistes en luge ou de pratiquer le ski de fond et la randonnée pour laver ses poumons : partout, la réclame vante l’air pur des sommets. 

Années 2020 

Avec le temps, les techniques se sont multipliées, entraînant une offre  étendue du matériel : course, carving, freeride, freestyle, snowboard…  S’il reste un peu de bois dans les « planches », les matériaux qui les composent font la part belle aux nanomatériaux et autres matériaux composites. En provenance des États-Unis, le « rocker » est une des dernières innovations ; consistant à allonger le relevé de la spatule pour flotter sur la poudreuse tout en autorisant les exploits sur les pistes damées.

Avec la fermeture des remontées mécaniques, les peaux de phoque – en réalité réalisées en mohair et en synthétique – et les raquettes connaissent une nouvelle jeunesse, tout comme la luge ou le ski de fond. Cette dernière pratique, en baisse régulière depuis trente ans, retrouve couleurs et adeptes. 

> Avantage 2020 

Mode à ski  

Années 1930 

Les années folles sont mortes mais la haute société n’en a pas moins gardé  le goût de l’apparat et du luxe. Oui, on voit des femmes sur les pistes. Et si elles n’ont pas encore le droit de signer des chèques, elles ont gagné la liberté de ne plus skier en jupe ; même si la polémique fait encore rage. Les voilà donc, pour la plupart, fonçant sur la neige vêtues de la toute première ligne Hermès conçue pour les plaisirs de la glisse.

En 1930, on peut lire dans Le Figaro illustré ces conseils destinées aux sportives des sommets : « Le pantalon sera large, les emmanchures de la veste bien découpées pour permettre une entière liberté de mouvement ; bannir de notre équipement alpin les couleurs pastels qui ont toujours l’air passées et fanées dans la puissante splendeur d’une transparente matinée d’hiver. » 

Années 2020 

Le sportswear n’est plus un pan isolé de la mode, il EST la mode et les skieurs n’y coupent pas ; à tel point qu’une tenue peut-être portable une année, mais pas pour la suivante.

En 2021, oubliez un peu les combinaisons et optez pour le combo parka-pantalon comme avec la veste courte Fusalp associée à un pantalon Flash et à un tee-shirt thermique manches longues en mérinos et fibres synthétiques Odlo. Les femmes craqueront peut-être pour la collaboration Chloé x Fusalp (dont on vous a déjà parlé ici) avec plastron smocké et large col anorak.

Les plus téméraires oseront la veste léopard de chez Goldbergh et un casque Polar Bear signé Perfect Moment. Ou une association combinaison jaune fluo rayée de Bogner-gants à boucle en peau lainée chez Holden. Vous l’avez compris, le choix est immense et adapté à toutes les bourses. 

>Avantage 2020

Lire aussi : It-list, une saison blanche

Qualité de la neige

Années 1930 

Malheureusement, il n’existe pas de données sur l’enneigement des hautes Alpes dans les années 1930. Flocons à foison et bonhommes de neige en pagaille ? Pas si sûr… Les hivers avares en neige ne sont pas un phénomène récent au niveau mondial.

Ainsi, les Jeux olympiques d’hiver de 1932 à Lake Placid (État de New York) faillirent bien ne pas avoir lieu en raison de l’absence de neige. Ce que l’on sait en revanche, c’est que dans la poudreuse, la pratique du télémark devait valoir son pesant de chutes spectaculaires. 

Années 2020 

Le réchauffement climatique va-t-il tuer les sports d’hiver ? À vrai dire, et malgré quelques indices pas très optimistes, personne n’en sait rien. Selon Météo France, la moyenne montagne (entre 1 000 et 1 800 mètres dans les Alpes) perd cinq jours de neige tous les dix ans.

La haute montagne, elle, si elle subit de grandes variations d’enneigement d’une année sur l’autre, ne souffre que peu du manque de neige. De plus, les progrès de la technologie – dameuses, neige de culture – permettent de garder un manteau neigeux de qualité d’année en année. Profitez-en, ça ne durera pas éternellement. 

> Avantage 2020

Et l’après-ski ? 

Années 1930 

À l’orée des années 1930, la pionnière Megève compte 25 hôtels où les sportifs se réunissent après leur journée de ski ; notamment au Palace des Neiges. Entre dernières nouvelles du monde et New Deal de Roosevelt, on papote entre gens bien-nés du tout nouveau téléphérique de Rochebrune qui permet de rallier le mont d’Arbois. 

Mais l’essentiel des festivités se  passe ailleurs ; comme il n’existe que peu d’endroits pour se réunir, les mondanités se déroulent dans les chalets. Celui commandé par la baronne Noémie de Rothschild à l’architecte Henry-Jacques Le Même à Megève – respect de la tradition architecturale locale ; modernité de la structure et des matériaux – pose les premières pierres d’un engouement exceptionnel. L’après-ski a le monde devant lui. 

Années 2020 

« Tout est fermé. Pas un bar, pas un restaurant, pas un club ; et les policiers  contrôlent régulièrement à partir de 18h00. » Heidi, étudiante de 19 ans venue passer une semaine à Megève avec des amis, est un peu dépitée.  Même le Palais des sports, et sa patinoire très prisée, a fermé boutique ; tout comme le Palo Alto, le S ou le Hibou blanc.

Partout ailleurs, c’est la même grimace : les Folie douce de Méribel, de Tignes ou des Arcs et leur gros son n’accueillent plus personne ; la Doudoune de Val d’Isère a porte close; tout comme la White Hub à Chamonix… La liste n’est pas exhaustive mais désespérante. Pour les tartiflettes, les raclettes et les guinguettes, il faudra donc attendre l’hiver 2021-2022 ; tout en imaginant ce que furent les après-ski d’il y a 90 ans. 

> Avantage 1930 

Lire aussi : Le ski est-il en train de muter ?

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